Les neuvième et dixième jours

Pepe Roncino et Tintoretta visitent deux îlots très importants : San Pantalon et le majestueux plafond de son église ; San Rocco et sa Scuola Grande, la "chapelle sixtine du Tintoret".

Emeric Cristallini

9/10/202536 min temps de lecture

Neuvième jour : San Pantalon

Pepe Roncino

Aujourd’hui, on va visiter l’îlot San Pantalon, qui se trouve dans Dorsoduro mais qui jouxte à la fois le sestiere de Santa Croce et celui de San Polo.

Tintoretta

C’est un peu le centre de la Venise «de ultra» ?

Pepe Roncino

Tout à fait ma Tintoretta ! Pour y aller, on commence par suivre à rebours le trajet d’hier matin : le rio de San Nicolo… puis le rio dell’Angelo Raffaele… puis le rio dei Carmini… Mais cette fois on continue tout droit, en passant sous le pont Foscarini, en longeant le campo dei Carmini sur la droite puis en poursuivant par le rio Santa Margherita. Le campo Santa Margherita est tout près sur la droite mais regarde surtout sur la gauche : c’est un îlot où on ne s’arrêtera pas car il n’y a pas de monument particulier, sauf le palais Foscarini devant lequel on passe. De ce palais, qui appartenait à l’ambassadeur Jacomo Foscarini, le roi de France Henri III assista en 1574 à un spectacle donné en son honneur. Ce spectacle se déroula sur le pont Foscarini et sur le canal juste en face du palais : on l’appela la guerre des bâtons.

Tintoretta

Tu m’avais montré le monument funéraire de Jacomo Foscarini dans l’église des Carmini.

Pepe Roncino

Bien ma Tintoretta ! Au bout du rio de Santa Margherita, on prend à droite le rio de Cà Foscari.

Tintoretta

On l’a déjà pris quand on a visité l’îlot de Santa Margherita !

Pepe Roncino

Cette fois-là, on avait pris aussi le rio de Santa Margherita et le rio dei Carmini.

Tintoretta

Et on va repasser devant la Cà Foscari !

Pepe Roncino

Oui, et on va se retrouver sur le Grand Canal pour la deuxième fois de notre voyage ; cette fois, on va sur la gauche ; on longe le palais Balbi, qui est aujourd’hui le siège du conseil régional de Vénétie. Il se situe à un endroit stratégique, le second virage du Grand Canal, après celui juste avant le pont du Rialto. Il fut construit à la fin du XVIème siècle pour un certain Nicolo Balbi ; de ce palais, Napoleon Bonaparte assista, en 1807, à une régate historique. On ne reste pas longtemps sur le Grand Canal puisqu’on tourne tout de suite à gauche pour prendre le rio de la Frescada. On prend ce rio de la Frescada sur toute sa longueur. Dalla Frescada était le nom d’une famille patricienne qui habitait dans un palais de la paroisse de San Pantalon… Regarde le balcon de cette trattoria juste avant le pont : c’est là où on dînera ce soir !

Tintoretta

Chouette ! Ce sera merveilleux !

Pepe Roncino

Au bout de ce rio de la Frescada, on prend à gauche le rio San Pantalon… au bout du rio San Pantalon, on passe sous le ponte San Pantalon et on tourne à gauche pour prendre le rio Foscari.

Tintoretta

On a fini notre tour de l’îlot !

Pepe Roncino

Oui, ma Tintoretta ! On s’arrête sur le campo San Pantalon !

Tintoretta

Devant l’église !

Pepe Roncino

Oui, mais avant de la visiter, on va aller chez Tonolo, une des meilleures pâtisseries de Venise, s’acheter des spécialités vénitiennes pour notre petit déjeuner !

Tintoretta

Chouette !

Pepe Roncino

C’est juste derrière l’église. On prend la calle San Pantalon… Tonolo se trouve à l’angle avec cette ruelle très commerçante qui s’appelle la Crosera. Je te laisse choisir !

Tintoretta

Il y a beaucoup de choix ! Et tout a l’air très bon !

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Pepe Roncino

Allez, après cette excellente colazione, on visiter l’église San Pantalon.

Tintoretta

Le nom est très drôle !

Pepe Roncino

Evidemment, pour un français, ça fait sourire ; mais il faut savoir que le nom de pantalon est d’origine vénitienne car c’est à Venise que le pantalon a été inventé. Pantaleone était un personnage vénitien de la Commedia dell’Arte. Son nom viendrait du nom du saint auquel cette église est dédiée. Ou bien de l’habitude qu’avaient les Vénitiens, lorsqu’ils faisaient de nouvelles conquêtes territoriales, de planter le drapeau avec le lion, le leone de Saint-Marc : d’où pianta-leone, déformé en panta-leone. Le personnage de Pantaleone, transformé peu à peu en Pantalone. Goldoni ajoutait à Pantalone le qualificatif de’ Bisognosi, car Pantalone se plaignait de manquer de tout et d’avoir toujours besoin d’argent, alors qu’il était riche. C’était un personnage plutôt vieux, mais qui lança une mode qui dure depuis des siècles : celle du pantalon ! Il portait en effet, ce qu’à l’époque on considérait comme de longues culottes, moulantes. Aujourd’hui, on appellerait plutôt cela des cuissards longs, comme le portent les cyclistes ou les joggers l’hiver. Ces pantaloni – car en italien, on ne dit pas un pantalon mais des pantalons - étaient de couleur rouge, tout comme la veste (la casacca), le rouge étant la couleur typique des marchands vénitiens.

Tintoretta

Quand est né ce personnage ?

Pepe Roncino

Ce personnage est né avec la Commedia dell’Arte, qui a commencé vraiment à se structurer dans la seconde moitié du XVIème siècle ; les acteurs de cette comédie étaient des professionnels, d’où le nom d’arte qui signifiait métier (notion qui demeure aujourd’hui dans l’expression : « dans les règles de l’art »). Ces acteurs jouaient dans la rue, parfois dans les églises. C’est pourquoi il ne serait pas surprenant que Pantaleone ait pris le nom d’une église !

Tintoretta

Mais ce saint Pantalon, quelle est son histoire ?

Pepe Roncino

Pantaleone est un chrétien qui subit le martyre le 27 juillet 305 à Nicomède, l’actuelle Izmit en Turquie. Pour en savoir plus sur son martyre, il faut entrer dans l’église.

Tintoretta

La façade n’est pas très belle !

Pepe Roncino

Non, elle est restée inachevée. On ne sait pas précisément quand l’église a été fondée ; on sait seulement qu’elle fut reconstruite en 1009 puis de nouveau en 1668, dans le style baroque. Autrefois, la façade et le portique étaient du côté de la calle que l’on a emprunté pour aller chez Tonolo. Le campanile, que l’on aperçoit derrière, date du XVIIème siècle. Si la façade n’est pas très belle ; en revanche, l’intérieur est magnifique.

Surtout le plafond : une toile de 443 mètres carrés, considérée comme la plus grande du monde ! Il s’agit de 40 toiles unies entre elles, qui représentent le martyre et la gloire de Saint Pantalon. C’est une œuvre de Gian Antonio Fumiani, réalisée entre 1680 et 1710. Ce peintre était spécialisé dans la réalisation de scénographies théâtrales. Son œuvre est en effet très théâtrale. On peut voir San Pantalon assis au moment où il apprend de l’empereur Galerio Massimiano sa condamnation à mort ; puis la scène de son martyre sur le côté gauche : les bourreaux l’entourent en exhibant les instruments de son supplice : un bâton, une corde, un crochet. Au centre, on peut admirer le triomphe de San Pantalon, accueilli au paradis par le Christ et une multitude d’anges qui lui présentent la couronne de gloire et la palme du martyre.

La figure du martyr se retrouve à l’intérieur de la seconde chapelle à droite : des œuvres de Véronèse, de Palma le Jeune, de Gregorio Lazzarini et, de nouveau, de Fumiani. L’église est très riche : on y trouve aussi la Madonna con bambino de Paolo Veneziano (de 1350), le Couronnement de la Vierge d’Antonio Vivarini et Giovanni d’Alemagna (de 1411), la Déposition du Christ du Padovanino et un très beau crucifix du XIVème siècle.

Tintoretta

Oui, l’intérieur est vraiment magnifique !

Pepe Roncino

On sort maintenant de l’église pour aller faire un petit tour de l’îlot.

Tintoretta

Il me semble que l’îlot n’est pas très grand.

Pepe Roncino

Non, mais même en-dehors de l’église, il y a pas mal de choses à voir. D’abord, sur la place, sur le mur du palais Signolo-Loredan, se trouve une plaque en marbre indiquant les mesures minima permises pour la vente du poisson. Il y avait en effet, ici, jusqu’au XIXème siècle, un marché au poisson (une pescheria, comme celle du Rialto). Ensuite, sur la droite du campo, avant de prendre la calle de San Pantalon, il y a un campiello, un petit campo, le campiello Ca’ Angaran, qui est très intéressant. Aux numéros 3317-18, on peut admirer un médaillon du XIIème siècle, qui représente un empereur d’Orient. Des deux côtés du médaillon, ont été ajoutées quatre coquilles représentant San Giacomo, des XVIIème-XVIIIèmes siècles.

Tintoretta

On va voir le restau où on va dîner ce soir ?

Pepe Roncino

Oui, on va réserver chez la Dona Onesta !

Tintoretta

Ça sera super !

Pepe Roncino

On prend donc la calle de San Pantalon… Regarde ce capitello !

On prend d’abord la Crosera à gauche puis dans son prolongement la calle dei Preti o del Pistor jusqu’au pont Vinanti rebaptisé « ponte del silenzio »…

On retourne à la Crosera ; comme son nom l’indique, la Crosera croise plusieurs ruelles.

Tintoretta

Il y a plein de boutiques !

Pepe Roncino

Oui, il y a toujours du monde sur cette Crosera. On va faire un petit crochet à gauche, par la calle de la scuola, pour voir la corte dei preti…

On retourne sur la crosera…

Regarde ce sottoportego à gauche, au bord du canal !

On continue sur la Crosera et on prend à gauche la calle de la Dona Onesta. Regarde sur le mur en face : le visage d’une femme y est sculpté. Cette sculpture est liée à une légende : celle de la Donna Onesta ; donna avec un seul n en vénitien.

Ce sera le Racconcino du jour… Voilà, j’ai réservé une table en terrasse ; regarde, c’est un balcon juste au-dessus du canal, à côté du pont !

Tintoretta

Ce sera une soirée magnifique ! Je mettrai ma plus belle robe !

Pepe Roncino

Allez, maintenant, on retourne à notre gondole pour se reposer un peu…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Tintoretta

Voilà, je suis prête !

Pepe Roncino

Allons-y ! ………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Nous voilà installés ! Les tagliatelles aux légumes sont très bonnes.

Tintoretta

D’accord, on prend ça !

Pepe Roncino

Mais d’abord, pour fêter ce repas dans ce lieu merveilleux, je vais commander une coupe de Prosecco accompagnée de quelques ciccheti.

Tintoretta

Je ne bois pas souvent de prosecco mais quand j’en bois avec toi, je le trouve toujours excellent.

Pepe Roncino

Je choisis toujours du Prosecco de Valdobbiadene, c’est le meilleur !

Tintoretta

Ces ciccheti sont très bons !

Pepe Roncino

On peut maintenant faire un brindisi à notre voyage en gondole !

Tintoretta

Aujourd’hui, on est au neuvième jour de notre voyage !

Pepe Roncino

Oui, et demain, on visite l’îlot de San Rocco, qui se trouve de l’autre côté de ce canal !

Tintoretta

Nous voilà revenus de notre excellent dîner. C’est le moment du Racconcino 4 !

Pepe Roncino

Près du pont que l’on appelle aujourd’hui pont de la Dona Onesta, probablement à l’emplacement de notre osteria de ce soir, vivait une femme très belle, leggiadra (grâcieuse) selon les Canti del popolo veneziano de Foscarini, rapporté par le Tassini. Elle s’appelait Santina, comme « petite sainte ». Elle était l’épouse d’un maître d’armes, du nom de Battista. Celui-ci fabriquait, dans sa propre maison, des épées, des dagues et des poignards. Un jeune patricien, Marchetto Rizzo, tomba amoureux d’elle en l’apercevant plusieurs fois à la fenêtre tandis qu’il traversait le pont. Santina portait bien son nom ; elle ne sortait de chez elle que pour aller à l’église et elle s’y rendait toujours accompagnée de sa voisine, également très pratiquante. Marchetto, qui se postait souvent sur le pont dans l’espoir de l’aborder, comprit au bout de quelques semaines qu’il ne pouvait espérer lui parler seul à seul à l’extérieur de chez elle. Il résolut donc de s’introduire chez elle. Il prétexta pour cela d’avoir besoin d’une dague, une petite épée, que fabriquait son mari. Cette dague était appelée à l’époque misericordia. Peut-être parce que c’était le mot que criait celui qui s’en voyait menacé. Une fois la commande faite à Battista, Marchetto passait régulièrement chez lui mais il surveillait ses allées et venues pour y aller lorsqu’il s’absentait. Il en profitait alors pour parler à sa femme et tenter de la séduire. Santina ne voulait pas offenser ce client. D’abord parce qu’elle avait un caractère doux. Et aussi car cette commande était importante pour le foyer, dont les affaires n’étaient pas très prospères. Mais en même temps, elle gardait ses distances en espérant que Rizzo allait se lasser de l’importuner. D’autant plus qu’au fil des jours, elle voyait que le travail de son mari touchait à sa fin. En effet, un beau jour, la dague était prête. Elle reçut Rizzo avec toute l’amabilité dont elle était encore capable à son égard, en se disant que c’était le dernier effort à faire. Son mari venait de partir. Elle devait aussi faire en sorte que Rizzo payât bien la rétribution prévue. Celui-ci savait que c’était sa dernière chance de la séduire. Il se montra encore plus entreprenant que les fois précédentes. Il s’échauffa à tel point que Santina dut le repousser et lui dire qu’elle aimait son mari et qu’elle ne serait jamais sienne. Rizzo, ne se maîtrisant plus, se précipita sur elle et la viola. Santina se saisit de la dague que Rizzo laissa en s’échappant et se suicida, comme la Lucrèce romaine, représentée notamment par Il Parmigianino au musée Capodimonte de Naples…

Buona notte Tintoretta !

Dixième jour : San Rocco

Pepe Roncino

Allez Tintoretta, on y va ! Aujourd’hui, c’est une journée très intense qui nous attend !

Tintoretta

San Rocco, c’est dans le sestiere de San Polo ?

Pepe Roncino

Oui, c’est notre première incursion dans ce sestiere. On y restera quelques jours. Pour y aller, on prend le rio de San Pantalon à droite… En suivant le cours du canal, on passe dans le rio delle Muneghette… puis le rio di San Zuane… on débouche sur le rio San Giacomo dell’Orio que l’on prend sur la droite… on prend le rio Sant’Agostino à droite… on tourne à droite pour prendre le rio di San Stin… on poursuit sur la gauche par le rio dei Frari… On s’arrête ici, après le pont des Frari.

Tintoretta

La place est magnifique !

Pepe Roncino

Oui, le campo dei Frari est une des plus belles places de Venise. On va d’abord prendre un bon petit déjeuner.

Tintoretta

En terrasse ?

Pepe Roncino

Oui, au pied du campanile de la Basilique.

Tintoretta

C’est la Basilique des Frari ?

Pepe Roncino

Oui, Santa Maria Gloriosa dei Frari.

Tintoretta

Qu’est-ce qui fait que c’est une basilique plutôt qu’une église ?

Pepe Roncino

Au début, le terme « basilique » correspondait à un style architectural. Il désignait les églises chrétiennes bâties sur le plan des basiliques romaines. Puis, peu à peu, la dénomination de basilique a été employée pour les églises les plus importantes, généralement reconnues comme telles par le Pape.

Tintoretta

Et la cathédrale ?

Pepe Roncino

La cathédrale est le siège épiscopal, l’église de l’évêché. La basilique des Frari a été fondée par des frères franciscains, frari étant la déformation de frati qui signifie « frères ». Ces frères franciscains sont arrivés à Venise en 1227, un an après la mort de Saint François d’Assise ; en 1236, le doge Jacopo Tiepolo leur permit d’occuper une abbaye abandonnée, dédiée à la Vierge Marie, sur un terrain marécageux, appelé lago Badoer (car il y avait sans doute un lac auparavant) ici, à la frontière entre les paroisses de San Toma, en face de nous et de San Stin sur notre gauche, qui font toutes les deux partie de notre îlot du jour. On retrouve le nom de Badoer au bout d’une ruelle qui part du campo à quelques mètres d’ici. Les Frères y fondèrent un couvent puis, en 1250, une église. L’entrée de l’église se trouvait du côté opposé à la basilique actuelle. Mais à partir de 1330, on commença à construire la basilique, en l’adossant au début à l’église avant que celle-ci ne soit démolie. La basilique ne fut achevée qu’en 1492.

Tintoretta

Elle est vraiment très grande !

Pepe Roncino

Oui, c’est la plus grande église de Venise.

Tintoretta

Le campanile aussi est très haut !

Pepe Roncino

Oui, il fait 80 mètres ; c’est le plus haut après celui de San Marco. Il fut construit de 1361 à 1396 par Jacopo Celega et son fils Pietro. Allez, on va maintenant visiter la Basilique ! Tu vas voir, l’intérieur est aussi impressionnant que l’extérieur !

Tintoretta

Quel est l’architecte ?

Pepe Roncino

On ne connaît pas l’architecte. On pense simplement que le dessin de la basilique a été suggéré par un Frère, probablement le frère Scipione Bon (frà Pacifico) en honneur duquel a été érigé un monument funéraire dans la basilique. Comme tu le vois, la façade est assez austère.

Tintoretta

Oui, mais j’aime bien la couleur des briques et les statues au-dessus du portail.

Pepe Roncino

Entrons maintenant !

On va faire le tour en partant de la droite…

Regarde le tombeau de Titien, qui est mort de la peste en 1576 : tu peux voir ici son monument, réalisé par des disciples de Canova.

A côté, se trouve La Présentation de Jésus au Temple, de Giuseppe Porta, dit Salviati.

Regarde cette toile de Saint Joseph de Copertino en extase, réalisé en 1753 par Giuseppe Nogari !

Tintoretta

Qui était Saint Joseph de Copertino ?

Pepe Roncino

C’était un moine franciscain, né à Copertino dans les Pouilles en 1603. Devant la toile, au centre, on trouve une statue de San Girolamo d’Alessandro Vittoria, réalisée en 1564.

A côté, se trouve le Martyre de Sainte Catherine d’Alexandrie de Palma Le Jeune, un disciple de Titien.

On va maintenant visiter la sacristie… Avant d’y entrer, regarde ce monument équestre érigé en hommage à Paolo Savelli, commandant des troupes vénitiennes et mort de la peste en 1405 lors de l’assaut à Padoue.

Nous voici dans la sacristie… Au fond se trouve le retable de Giovanni Bellini, La Madone et l’enfant, réalisée en 1488.

On rejoint maintenant le chœur de la basilique…

Ce coro dei Frati, le chœur des Frères est composé de 124 stalles de bois sculptées par Marco Cozzi en 1468.

En face du Chœur, on a le presbytère avec la fameuse Assomption de Titien, réalisée entre 1516 et 1518.

Sur la gauche du presbytère, se trouve la chapelle des saints franciscains avec, au fond, une toile de Bernardino Licinio., réalisée en 1524.

On continue notre tour… On arrive devant la chapelle Corner, où l’on peut voir le triptyque Saint Marc entre trois saints, de Bartolomeo Vivarini, réalisé en 1474.

Nous voici devant l’autel de la Madonna de Cà Pesaro, une autre œuvre majeure du Titien.

Voici maintenant le monument au doge Giovanni Pesaro, de Baldassare Longhena.

A côté, se trouve le Monument à Canova. C’est lui-même qui avait dessiné cette pyramide lorsqu’il avait commencé à travailler sur le monument funéraire en l’honneur de Titien mais il était mort avant d’avoir pu le réaliser. Ce sont ses disciples qui l’ont exécuté en 1827.

On termine la visite par l’autel du Crucifix, de Baldassare Longhena et Giusto Le Court.

Tintoretta

Cette Basilique est vraiment l’église du Titien !

Pepe Roncino

Oui, de la même façon que San Sebastiano est celle de Véronèse.

Tintoretta

Et que la Madonna dell’Orto est celle du Tintoret !

Pepe Roncino

Je savais que tu allais le mentionner ! Ce soir, je te raconterai la vie de Titien.

Tintoretta

On va visiter la Scuola San Rocco ?

Pepe Roncino

Oui, on va visiter un peu le couvent et on y va…

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Pepe Roncino

On fait le tour de la basilique…

Tintoretta

Cette Basilique est vraiment l’église du Titien !

Pepe Roncino

Oui, de la même façon que San Sebastiano est celle de Véronèse.

Tintoretta

Et que la Madonna dell’Orto est celle du Tintoret !

Pepe Roncino

Je savais que tu allais le mentionner ! Ce soir, je te raconterai la vie de Titien.

Tintoretta

On va visiter la Scuola San Rocco ?

Pepe Roncino

Oui, on va visiter un peu le couvent et on y va…

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Pepe Roncino

On fait le tour de la basilique…

A droite, on prend la salizzada San Rocco… et on arrive sur le campo San Rocco. En face, c’est la chiesa San Rocco, que l’on visitera après.

Tintoretta

Je vois enfin la Scuola di San Rocco !

Pepe Roncino

Avant même la construction de la Scuola, une confraternité sous le patronage de Saint Roch existait. Elle agissait auprès de l’église des Frari, qui n’était pas encore une basilique. En 1478, cette confraternité s’unit avec une autre qui existait à San Zulian pour fonder un temple dédié à Saint Roch qui, en 1481, obtint du Conseil des Dix la reconnaissance de Scuola Grande.

Tintoretta

Pourquoi dis-tu Saint Roch plutôt que San Rocco ?

Pepe Roncino

Car il s’agissait d’un saint français ! Saint Roch était en effet originaire de Montpellier ; c’était un thaumaturge qui se fit connaître en soignant les malades de la peste en 1477. Le temple construit en 1478 s’avéra rapidement insuffisant. En effet, les épidémies, notamment de peste, étaient fréquentes à Venise, compte tenu de l’importance des échanges commerciaux internationaux. Une église dédiée à Saint Roch fut donc édifiée à partir de 1489 par Bartolomeo Bon, quatre ans après l’arrivée des reliques de Saint Roch. C’est à ce même Bartolomeo Bon que fut confiée la construction de la Scuola ; il y eut un premier édifice puis un second dont la construction s’étendit de 1520 à 1560. Plusieurs architectes intervinrent : Sante et Tullio Lombardo, puis surtout Antonio Abbondi dit le Scarpagnino, et enfin Giangiacomo de’Grigi. La façade est due principalement à Scarpagnino.

Tintoretta

Elle est imposante !

Pepe Roncino

Oui, monumentale, avec ses huit colonnes ! Maintenant, Tintoretta, on rentre et c’est toi qui va me décrire les œuvres du Tintoret que tu as si souvent étudiées dans les livres, notamment dans Tintoretto a San Rocco, de Chiara Romanelli !

Tintoretta

Oui, je suis émue : c’est un grand moment pour moi ! Dans la salle du rez-de-chaussée, il y a huit toiles sur la Vierge Marie et l’enfance du Christ, qui ont été peintes entre 1582 et 1587.

Il faut partir de la première à gauche : il s’agit de l’Annonciation faite à Marie par l’Ange Gabriel ; l’ange en arrivant lui dit : « ne crains rien, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu, tu vas concevoir un fils que tu appelleras Jésus ; il sera appelé le fils du Très Haut… Alors Marie demanda : « comment cela adviendra-t-il car je ne connais pas d’Homme ? » L’ange lui répondit : « Le Saint Esprit descendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C’est ainsi que celui qui naîtra sera saint et sera appelé Fils de Dieu ». Marie dit « Je suis la servante du Seigneur : qu’il advienne pour moi selon ta parole ». Et l’ange repartit… En fait, Marie était fiancée avec Joseph ; elle se trouvait dans son atelier de menuisier ; on voit d’ailleurs, sur la gauche, Joseph en train de travailler. Et l’ange le savait mais elle voulait dire qu’ils n’avaient pas encore conçu d’enfant ensemble….

La seconde toile est sur l’Adoration des mages : le titre ne dit pas que ce sont des rois car ce n’était pas sûr du tout, mais c’était des prêtres venus d’Orient, de Perse sans doute ; et on ne sait pas qui était Melchior, qui Gaspard et qui Balthazar. Ce que l’on voit sur cette toile, c’est qu’ils apportent des cadeaux à l’enfant Jésus. Je n’ai d’ailleurs jamais compris que ce soit le Père Noël qui apporte des cadeaux et pas des Mages ! Même s’il fallait attendre l’Epiphanie ! Ce qui est curieux dans cette représentation, c’est que Marie et Jésus sont en position surélevée : Marie, qui tient l’enfant, semble voler au-dessus d’une estrade.

La troisième toile est sur le Repos lors de la fuite en Egypte : à peine les mages partis, un ange était apparu en rêve à Joseph et lui dit : « lève-toi, prends le bébé avec toi et sa mère, fuyez en Egypte et restez-y jusqu’à ce que je vous avertisse : car le roi Hérode cherche le bébé pour le tuer. » Cette toile est ma préférée : j’aime beaucoup le paysage sur la droite avec la petite maison au bord du lac. Au premier plan, on voit le pauvre âne qui semble très fatigué : il était temps qu’il se repose !

La quatrième toile traite du Massacre des innocents : lorsqu’Hérode comprit que les Mages s’étaient joués de lui en ne lui disant pas où était Jésus, il devint furieux et envoya des soldats tuer tous les bébés qui vivaient à Bethléem et sur l’ensemble de son territoire. Forcément, cette scène est très dure, même si on ne voit pas la douleur peinte sur les visages car ceux-ci sont soit de profil, soit tournés vers l’arrière, d’où viennent les soldats. En revanche, on voit des corps enchevêtrés de mères et d’enfants.

Sur les cinquième et sixième toiles, on retrouve des images de paix : deux saintes, chacune dans un paysage bucolique. On ne sait pas exactement qui sont ces saintes : peut-être Marie-Madeleine et Marie d’Egypte.

La septième toile traite de l’épisode de la circoncision…

La huitième de l’Assomption de la Vierge.

Pepe Roncino

On peut la comparer à l’Assomption de la Vierge de Titien que l’on vient de voir dans la basilique des Frari.

Tintoretta

Je reconnais que celle de Titien est plus belle ; celle-ci est un peu confuse… Allons maintenant au premier étage voir la salle supérieure.

Cette salle a été décorée par Le Tintoret de 1575 à 1578, c’est-à-dire avant celle du rez-de-chaussée. On va suivre le même ordre qu’au rez-de-chaussée : on va partir du mur de gauche côté façade.

La première toile concerne l’Adoration des bergers : une autre de mes préférées ! Une nuit, un ange est apparu aux bergers qui veillaient sur leur troupeau et leur dit : « N’ayez crainte, je vous annonce une grande joie, celle de tout un peuple : aujourd’hui, dans la cité de David, est né pour vous un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Ceci est le signe pour vous : vous trouverez un bébé enveloppé dans les langes, couché dans une étable ». On voit sur cette toile le moment où les bergers sont arrivés à l’étable. L’enfant Jésus se trouve en haut sur une paillasse surélevée, une sorte de mezzanine. C’est beaucoup plus haut que dans l’adoration des Mages. Marie et Joseph entourent le bébé ; en face se trouvent la sage-femme et la nourrice. En bas, il y a les bergers, une vache et un coq. J’aime beaucoup la lumière très chaude qui baigne cette scène.

La deuxième toile représente le Baptême de Jésus. Alors que Jésus est baptisé, le ciel s’ouvre, l’Esprit Saint descend sur lui et une voix lui dit : « tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai placé ma bienveillance ». Le rayon lumineux éclaire cette scène très intense où on aperçoit, dans le groupe de personnes au fond, Marie s’effondrer car elle pressent le sort tragique de son fils.

La troisième toile représente la Résurrection. On ne suit plus vraiment la chronologie ! A l’aube du premier jour de la semaine – qui est en fait le dimanche – Marie de Magdala et Marie la mère de Jacques vont visiter la tombe où le corps de Jésus a été enterré. Un violent tremblement de terre se produisit ; un ange, descendu du ciel, s’approcha, fit rouler la pierre tombale et s’assit sur elle. Les gardes furent saisis d’effroi ; mais l’ange dit aux deux Maries : « vous, n’ayez pas peur ! Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié, mais il n’est pas ici ; il est ressuscité, comme il l’avait annoncé ; regardez l’endroit où son corps a été déposé ; vite, allez dire à ses disciples : il est ressuscité d’entre les morts et il vous précède en Galilée, c’est là que vous le trouverez ! » C’est un passage de l’Evangile de Saint Mathieu. Sur cette toile, on voit le Christ sortir du tombeau en volant, aidé par quatre anges ; les soldats gisent à terre, évanouis, tandis que les deux Maries assistent à l’évènement, ce qui diffère un peu de ce que raconte l’Evangile !

La quatrième toile représente l’Oraison dans le jardin, c’est-à-dire le discours sur le mont des Oliviers : « Arrivé sur le lieu, il dit à ses disciples : priez pour ne pas entrer en tentation ! Puis il s’éloigna, tomba à genoux et pria : Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! Un ange lui apparut alors pour le conforter. Pris d’angoisse, il priait plus intensément et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui coulaient à terre. Quand, après cette prière, il se releva et vint vers ses disciples, il les trouva endormis de tristesse. » Le Tintoret a représenté ici le moment où le Christ est seul - ses trois disciples sont tombés de sommeil et gisent inertes comme des pierres - et son angoisse transforme sa sueur en sang ; l’ange le réconforte mais en même temps lui tend avec conviction cette coupe que Jésus essaye, en invoquant le Père, d’éloigner de lui. Dans le même temps, on voit, sur la gauche, un groupe d’hommes armés de bâtons et d’épées, Judas en tête, qui arrive pour l’arrêter. Il y a un contraste frappant entre le haut de la scène, avec Jésus et l’ange baignés de lumière et, en bas, ce sinistre groupe. Dans l’Evangile de Luc, on raconte en effet : « il parlait encore quand survint une troupe ; celui qu’on appelait Judas marchait à sa tête… »

La cinquième toile traite de la Dernière Cène ; il s’agit du dernier repas du Christ – cène vient de cena qui veut dire dîner en latin et aussi en italien – Le Tintoret a peint beaucoup de cènes. Sur celle-ci, on peut observer que la table du banquet se trouve au deuxième niveau d’une scène qui en compte trois. Sur le premier niveau, au premier plan, se trouvent des mendiants, sans doute en référence à la destination de la Scuola. Au deuxième niveau, donc, la tablée de Jésus et des douze apôtres. Et au troisième niveau, en haut d’un escalier, la cuisine avec les serveurs.

En continuant, sur le mur de droite, on a la sixième toile, qui décrit l’épisode de la Multiplication des pains et des poissons : « Alors Jésus, en levant les yeux, vit une grande foule venir à lui et dit à Philippe : où achèterons-nous des pains pour qu’ils aient de quoi manger ? En parlant ainsi, il le mettait à l’épreuve ; il savait, quant à lui, ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : 200 deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun reçoive un petit morceau. André, un de ses disciples, dit alors : il y a là un garçon qui possède cinq pains d’orge et deux petits poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de gens ? Jésus répondit : faites-les asseoir ! il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit ; ils s’assirent donc ; ils étaient environ 5000 hommes. Alors Jésus prit les pains, il rendit grâce et les distribua aux convives ; il fit de même avec les poissons : il leur en donna autant qu’ils en désiraient ; lorsqu’ils furent rassasiés, Jésus dit à ses disciples : rassemblez les morceaux qui restent de sorte que rien ne soit perdu. Ils les rassemblèrent et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge qui étaient restés. » Sur cette toile, on voit le Christ, en haut d’une butte avec l’apôtre André, qui regarde le panier du garçon ; en bas, au premier plan, on voit un groupe de disciples qui attend la nourriture.

La septième toile traite de la Résurrection de Lazare : « Alors Jésus se rendit au sépulcre ; c’était une grotte dont une pierre recouvrait l’entrée ; Jésus dit : enlevez la pierre ! Marta, la sœur de Lazare – qui offrit ensuite un banquet à Jésus et devint la sainte vénérée à l’extrémité occidentale de Venise – dit à Jésus : Seigneur, il doit déjà sentir… Il y a en effet quatre jours… » Jésus lui répondit : ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? On ôta donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux et dit : Père, je te rends grâce de ce que tu m’as déjà exaucé. Je savais bien que tu m’exauces toujours mais j’ai parlé à cause de cette foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. Ayant ainsi parlé, il cria d’une voix forte : Lazare, sors ! Le mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes, et le visage enveloppé d’un linge ; Jésus dit aux gens : déliez-le et laissez-le aller ! » Au premier plan de la scène, Jésus est en train de discuter avec Marta et Marie, l’autre sœur de Lazare, qui lui reprochent d’être venu trop tard voir son ami Lazare qu’il savait malade. Au-dessus, on voit Lazare sortir de la grotte dans laquelle il a été enterré. Il est soutenu par deux personnes ; à côté d’eux, il y a un figuier, qui est un arbre symbole de vie.

La huitième toile représente l’Ascension : « Quarante jours après sa résurrection, Jésus apparut aux apôtres réunis, il leur dit : …vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins…jusqu’aux extrémités de la Terre ; puis il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards. Alors qu’ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se présentèrent à eux et leur dirent : pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel, ce Jésus qui vous a été enlevé par le ciel vous sera restitué par celui-ci ». Sur la toile, en bas à gauche, on voit l’évangéliste Luc qui semble à la fois vérifier dans les Ecritures Saintes les prophéties sur la vie du Christ après sa mort et regarder derrière lui l’accomplissement des faits que lui-même raconte. En bas, à droite, ce sont les apôtres qui lèvent les yeux vers le Christ ; tout en haut, le Christ s’élève vers le ciel, entouré d’anges et de nuages. Au centre, on trouve les deux personnages vêtus de blanc.

Pour moi, c’est la fin de l’histoire ! Mais on poursuit la visite !

Pepe Roncino

C’était très intéressant Tintoretta ! Tu as été excellente ! Après ce cycle de toiles sur la Vie de Jésus, on va s’intéresser surtout aux toiles sur Saint Roch. On les trouve sur le mur de la façade et sur le mur opposé, au fond de la salle. Sur le premier, on voit une toile sur San Sebastiano à côté de celle sur Saint Roch.

Tintoretta

San Sebastiano, c’est celui qui est percé de flèches ?

Pepe Roncino

Oui, tu te souviens de l’histoire de son martyre…. De l’autre côté, sur l’autel, on voit Saint Roch en gloire qui guérit les pestiférés.

Tintoretta

Cette toile a été réalisée par Le Tintoret en 1588 avec son fils Domenico ; c’est sa dernière œuvre pour la Scuola.

Pepe Roncino

On va maintenant admirer le plafond.

Tintoretta

On peut prendre un miroir grossissant : on voit mieux et ça évite un torticolis !

Pepe Roncino

Ce sont, cette fois, des scènes de l’Ancien Testament.

Tintoretta

On retrouve des scènes du Nouveau testament dans la sala dell’Albergo, une salle plus petite juste à côté.

Pepe Roncino

C’est dans cette salle que se réunissait le conseil d’administration de la Scuola.

Tintoretta

Sur les murs, on trouve des scènes de la Passion du Christ, surtout, en face quand on entre, une Crucifixion ….

Et au plafond, de nouveau la gloire de Saint Roch.

Pepe Roncino

C’est ce plafond pour lequel la Scuola organisa un concours que Le Tintoret remporta en usant d’un stratagème…

Tintoretta

Oui, au lieu de présenter une ébauche au jury, il s’introduisit en cachette dans la Scuola et fixa son œuvre achevée au plafond ; il convainquit le jury grâce à la beauté de sa toile et au fait qu’il en fit don à la Scuola ; c’est ainsi que celle-ci lui confia le reste de la décoration…

Pepe Roncino

Tout cela l’occupa pendant 24 ans, de 1564 à 1588… On va maintenant sortir, on a fait une belle visite !

Tintoretta

On va visiter l’église Saint Roch ?

Pepe Roncino

Oui, on y trouve aussi plusieurs œuvres du Tintoret, qu’il a réalisées avant celles de la Scuola… On sort sur le côté de la Scuola et on va retourner sur la petite place Saint Roch. Jusqu’en 1909, il y avait un mur entre la Scuola et l’église ; on ne pouvait donc se rendre sur cette place qu’en venant du campo dei Frari.

Tintoretta

Pourquoi avoir ouvert cette place ?

Pepe Roncino

Suite à la construction du pont ferroviaire, il y a eu plus de piétons qui passaient par cette zone pour rejoindre le Rialto et San Marco.

Tintoretta

Tu m’as dit que l’église a été commencée en 1489 mais quand a-t-elle été finie ?

Pepe Roncino

La première construction fut achevée en 1508. Mais elle fut restructurée en 1725 par Giovanni Scalfarotto puis entre 1765 et 1771 par Bernardino Maccaruzzi qui redessina la façade pour l’harmoniser avec celle de la Scuola. Mais on peut encore voir l’ancien portail sur le côté.

Tintoretta

Dans la calle Tintoretto !

Pepe Roncino

Sur la façade, on peut admirer un bas-relief de Gianmaria Morlaiter sur Saint Roch assistant les malades. Rentrons maintenant dans l’église !

Tintoretta

Tintoretto a peint pour l’église divers épisodes de la vie du saint.

En haut, c’est San Rocco prega nella foresta ou San Rocco in solitudine : cette forêt se trouve près de Piacenza (Plaisance) ; Saint Roch était de retour d’un pèlerinage à Rome et il se retrouva dans une ville frappée par la peste. En soignant les malades, il fut contaminé et se réfugia dans une forêt. On voit le saint en prière, protégé par un drap accroché aux arbres. Un chien lui apporte du pain et un nuage s’approche pour lui procurer de l’eau. Sur la gauche, on aperçoit derrière un arbre le maître du chien qui l’a suivi pour savoir à qui il apportait du pain ; il fit ainsi la connaissance de Saint Roch et devint son premier disciple.

Pepe Roncino

On peut faire un rapprochement entre cette histoire de Saint Roch et celle de Saint François que l’église des Frari juste à côté célèbre : on retrouve le même rapport particulier avec les animaux et la nature.

Tintoretta

Je trouve que le paysage est magnifique, avec de très belles couleurs et une très belle lumière ! En-dessous, se trouve La Piscine probatique, une autre œuvre du Tintoret, mais qui n’illustre pas la vie de Saint Roch mais un épisode de la vie de Jésus, lorsqu’il guérit un paralytique.

Pepe Roncino

Allons maintenant dans le presbytère !

Tintoretta

En haut, Saint Roch guérit les animaux et en-dessous : Saint Roch guérit les pestiférés.

A côté, en haut : Saint Roch capturé à la bataille de Montpellier et en-dessous, Saint Roch en prison.

Pepe Roncino

Plus précisément Saint Roch en prison, réconforté par un ange.

Tintoretta

Pourquoi Saint Roch fut-il emprisonné ?

Pepe Roncino

Car il fut injustement accusé d’espionnage sur le chemin du retour à Montpellier, sa ville natale. Il passa trois ans dans une prison. La nuit du 15 au 16 août, un ange vint lui annoncer sa mort et la fin de ses souffrances….

Maintenant, on sort et on continue notre tour de l’îlot.

Tintoretta

On prend la calle Tintoretto ?

Pepe Roncino

Oui, on va prendre l’itinéraire qui, jusqu’en 1909, n’était pas possible ! Dans le prolongement de la calle Tintoretto, on traverse le campiello delle Chiovere et on continue par la calle de le Chiovere. Le terme de chiovere désignait des terrains dégagés où, après la teinture, on séchait les étoffes de laine. Ces étoffes étaient étendues entre des planches de bois fixées par des clous, chiodi en italien, chiovi en vénitien. Au bout de la calle de le Chiovere, on poursuit par la calle de le Sechere, appelée ainsi car, après avoir été mouillée par l’acqua alta, elle séchait au moment du reflux. On prend à droite la fondamenta de le Sechere… Au bout de la fondamenta, on prend à droite la calle de la Laca, appelée ainsi car il y avait ici une fabrique de ceralacca, de cire à cacheter…on passe sous le sottoportego de la Laca et on entre dans une cour sur laquelle donne la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista à gauche et l’église du même nom à droite.

Tintoretta

C’était une des neuf Scuole Grandi !

Pepe Roncino

Oui, cet endroit est curieux car on se trouve derrière une façade alors qu’on est à l’extérieur ! C’est pour cela que j’ai parlé de cour : autrefois, cet espace était fermé. Mais regardons d’abord la façade de la Scuola sur la gauche : elle est l’œuvre de Mauro Codussi, en 1498. Entrons… On va d’abord visiter le premier étage…

On redescend pour visiter le rez-de-chaussée…

Pepe Roncino

On va maintenant visiter l’église juste en face…

On va maintenant déjeuner dans une petite osteria : on prend la calle de l’Ogio à gauche…et au bout de cette calle, on a une petite osteria avec une terrasse sur le rio San Giacomo de l’Orio. Nous y voilà ! Ici, on est dans la partie du sestiere de San Polo qui faisait partie de l’archipel de Luprio…

Après ce bon repas, on va poursuivre notre visite de l’îlot. On repart par la calle de l’Ogio… on tourne à gauche…à gauche se trouve la corte del Calderer, une petite cour très typique de Venise.

Tintoretta

La Venise cachée, comme la petite cour près du campo Santa Margherita !

Pepe Roncino

En effet ! De l’autre côté du mur se trouve le Palazzetto Bru Zane

On continue par la ruelle en face de cette cour… On arrive sur le campo San Stin…

Il y avait autrefois une église, là on l’on voit cette éminence de tuiles…

Regarde, la belle vera da pozzo !

C’est ici que se trouvait l’antique pharmacie reconstituée dans le musée de la Cà Rezzonico, Ai due San Marchi.

Tintoretta

Oui, je me souviens ! Comme tu l’as dit, il y a encore une pharmacie à cet emplacement !

Pepe Roncino

Oui, mais elle a été complètement rénovée ! On va maintenant faire une petite visite dans le palais Bru-Zane, qui fut autrefois un casino et qui est maintenant le centre de la musique romantique française…

Tintoretta

Très intéressant cette visite !

Pepe Roncino

On retourne sur le campo San Stin pour rejoindre la calle del Magazzen…puis à droite… à gauche, on repasse sous le portique de San Giovanni Evangelista et on reprend à l’envers l’itinéraire de ce matin pour rejoindre le campo San Rocco…

Au bout de la salizzada San Rocco, on prend la calle larga qui nous mène au campo San Tomà…

L’église San Tomà aurait été construite une première fois au Xème siècle mais l’édifice actuel date de 1742.

Tintoretta

Il ne reste pas grand-chose du campanile…

Pepe Roncino

En face de l’église, se trouve l’ancienne Scuola dei Calegheri (des cordonniers).

Tintoretta

C’était une Scuola minore ?

Pepe Roncino

Oui, c’était une scuola corporative, une sorte de syndicat professionnel, qui acquit l’édifice en 1446 et compta au XVIIIème siècle près de 1500 adhérents, qui exerçaient dans 400 ateliers…