Le Voyage en Gondole : 19ème et 20ème jours

Le voyage en gondole se poursuit. Pepe Roncino et Tintoretta visitent les deux îlots en face de la gare de Santa Lucia : San Simeon Grande et San Simeon Piccolo, du nom des églises. San Simeon Grande est la plus petite des deux !

23 min temps de lecture

Dix-neuvième jour : San Simeon Grande

Pepe Roncino

Aujourd’hui, notre trajet en gondole sera très court. On prend notre rio del Megio sur la droite… On passe sous le pont San Boldo…

Puis on prend à droite le rio San Giacomo dall’Orio… On s’arrête à côté du pont de l’Anatomia.

Tintoretta

On l’avait vu hier !

Pepe Roncino

En effet !

On se retrouve dans la Corte de l’Anatomia, appelée aussi Firenzuola

Pepe Roncino

On passe sous ce sottoportego…

On arrive sur le campiello delle Strope… On prend à droite le ramo va in campo…

On traverse le campo Nazario Sauro… pour prendre le ramo Orsetti… On arrive sur la lista vecchia dei Bari…qui nous conduit au campo San Simeon Grando.

Dans San Simeon Grando, grando est du dialecte vénitien, qui équivaut à grande. On rejoint l’église par ce sottoportego… On se retrouve sur le campo santo où se trouve l’entrée de l’église. San Simeon, dit « le zélote » était un des douze apôtres. Le nom de San Simeon Grande a été donné à cette église pour la distinguer de celle de l’autre église San Simeon, appelée San Simeon Piccolo, qui se trouve dans l’îlot que l’on visitera demain. Cette église San Simeon Grande a été édifiée en 967 par les familles Ghisi, Aoldo et Briosi. Dans cette église fut enterré un pestiféré lors de l’épidémie de 1630. Le magistère chargé des Affaires Sanitaires condamna le prêtre à recouvrir le pavement d’un nouveau. Mais ce nouveau pavement fut retiré en 1860 pour remettre à jour l’ancien, lors de la restauration de l’église. Entrons ! Regarde cette toile du Tintoret : l’Ultima Cena !

A l’emplacement de l’autel gauche, se trouvait la Scuola dei Garzotti, des cardeurs de laine. Leurs ateliers étaient regroupés sur la fondamenta rio Marin o dei Garzotti, sur laquelle on va se promener… Mais avant, on fait un petit détour pour voir l’arrière de l’église, en passant puis repassant sous ce sottoportego… Regarde cette niche en marbre blanc de Vérone ! Elle date du XIVème siècle et représente le visage d’un évêque en train de prier.

On va maintenant voir le Grand canal du campo San Siméon Grande…

On a une vue magnifique sur le Grand Canal et le pont des Scalzi.

On retourne vers le campo Santo. Mais avant, regarde le jardin des roses !

Du campo Santo, on prend la fondamenta Marin à gauche…

Marin vient de Marin Dandolo qui fit creuser le rio à la main au IXème siècle.

Tintoretta

J’aime bien cette fondamenta !

Pepe Roncino

Oui, elle est très belle ! On arrive sur le campiello del Cristo…. On rejoint, par la calle del Cristo, le campo de le Strope, où on est passé tout à l’heure… Stroppe aurait été le nom d’une famille qui habitait à cet endroit. Sur le campiello qui prolonge le campo, habita également Gaspare Gozzi, le frère de Carlo, aux alentours de 1750… On passe sous ce sottoportego pour rejoindre la Corte Firenzuola et notre gondole…

Dans cette corte de l’Anatomia se trouvait autrefois, au n° 1507, ce que les vénitiens appelaient le « teatro anatomico » de la ville, c’est-à-dire le lieu où l’on procédait à l’examen anatomique des cadavres. Il ouvrit, ainsi qu’une école en annexe, en février 1671. Il fut détruit par un incendie en 1800. Il fut reconstruit très vite mais quelques années plus tard, il perdit sa fonction car l’examen anatomique fut transféré à l’hôpital. Une trattoria prit sa place. Elle s’appelait « alla Vida », « à la vie » pour faire oublier l’ancien usage des lieux. Il n’y a plus de restaurant aujourd’hui….

On se repose un peu dans notre gondole...

On retourne sur le campiello delle Strope…

Puis sur le campo delle Strope, qui nous permet de rejoindre le campo dei Tedeschi par le ramo va in campo...

Et de celui-ci, on arrive au campo Nazario Sauro…

Tintoretta

Une jolie place !

Pepe Roncino

Pour bien en profiter, on va s’asseoir sur la terrasse du bar ! Nazario Sauro fut un combattant de la Première Guerre Mondiale. Auparavant, l’ensemble de la place était appelée « dei Tedeschi » car dans la calle Gradisca, qui vient de la droite...

… habitaient des personnes originaires de l’Isontino, une province de l’actuelle Vénétie Julienne, proche de la frontière avec l’actuelle Autriche, peuplée autrefois d’allemands, tedeschi en italien…..

Allez, on repart ! On va prendre à droite, la calle larga dei Bari…

Les bari étaient des terrains marécageux et incultes… Mais baro, singulier de bari, était aussi le nom d’un îlot. Cet îlot était probablement plus étendu que notre îlot du jour.

Au bout de cette calle, on prend à droite la lista vecchia dei Bari, que l’on avait déjà prise tout à l’heure. La lista désignait la portion de rue bordant le palais d’un ambassadeur, dans lesquelles on bénéficiait de l’extraterritorialité, et qui était repérée par une ligne de marbre blanc. La lista dei bari regroupait les dépendances de l’ambassadeur de l’Empire autrichien, qui habitait dans un palais qui se trouvait sur la riva di Biasio….

Il y a de belles cours sur la gauche. Regarde l’arc d’entrée de la Corte Pisani à gauche ! On voit les armoiries de la famille Pisani, qui datent du XIVème siècle ! Sur l’angle gauche est sculpté un lion et sur l’angle droit un griffon….

Puis la calle del figher…

Puis la corte Pugliese…

On retourne sur nos pas sur la lista dei bari et on prend à droite après la calle del figher, la calle del pistor… Pistor en vénitien, panettiere en italien signifie boulanger. Au bout de cette calle, on arrive sur la riva di Biasio…

Biagio en italien (Blaise en français) du nom d’un charcutier qui y tenait boutique. Ce charcutier attirait de très jeunes enfants pour les découper en morceaux et en faire des ragoûts. Cette pratique fut démasquée lorsqu’on découvrit une phalange dans un ragoût. Son châtiment fut à la hauteur de ses méfaits : il fut traîné, attaché à la queue d’un cheval, de la prison jusqu’à sa boutique ; on lui coupa les mains, on le tortura, on le décapita avant de découper son cadavre en quatre morceaux que l’on exposa aux quatre coins de la ville !

Tintoretta

Quelles histoires sordides se sont déroulées sur cette magnifique riva !

Pepe Roncino

C’est vrai qu’on a d’ici une très belle vue sur le Grand Canal. On est juste en face de l’église San Geremia et Santa Lucia, qui abrite les reliques de Santa Lucia.

Tintoretta

La sainte patronne de Syracuse ?

Pepe Roncino

Oui, je te raconterai son histoire après-demain. Au bout de la riva, on voit l’embouchure du canal de Cannaregio, qui rejoint le Grand Canal.

Tintoretta

C’est un carrefour important !

Pepe Roncino

Oui, le carrefour des deux principaux canaux de Venise…

On prend la première ruelle à droite pour voir la corte Correra…

On voit un jardin à travers la porte…

On prend maintenant le rio terà… Puis à droite le campiello rielo, comme « petit rio »… On longe la Cà Zusto, un palais du XVIème siècle transformé en hôtel… et on prend la salizada Cà Zusto à gauche…

On arrive devant l’Antica Besseta, une osteria très appréciée des vénitiens, où on va réserver une place en terrasse…

Juste avant de dîner, on va prendre dans les deux sens cette ruelle, le ramo de Cà Zusto, juste à côté de l’osteria, qui est la plus étroite de Venise !

Tintoretta

C’est mieux de la prendre avant de manger !

Après la calle la plus étroite, on va maintenant passer sous le sottoportego le plus bas de Venise.

On rejoint le campo Sauro puis à droite, la calle larga dei Bari…

On prend la deuxième ruelle à gauche, qui s’appelle la corte dei Squelini.

On arrive sur la fondamenta Rio Marin o dei Garzotti, que l’on prend sur la gauche, jusqu’au bout. Du campiello del Cristo, on rejoint le campiello delle Strope...

Et de là, on prend ce petit tunnel qui nous conduit à notre gondole dans la Corte de l’Anatomia, au bord du rio San Giacomo dall’Orio…

On se retrouve dans un endroit qui ressemble beaucoup à celui d’hier, de l’autre côté du campo San Giacomo dall’Orio. Le pont au pied duquel on se trouve reliait deux établissements qui formaient le Teatro Anatomico, dont je t’ai parlé cet après-midi. Un certain Giovanni Domenico Santorini traversa souvent ce pont entre 1705 et 1728. Il y mena des travaux qui lui firent découvrir le secret du sourire, comme le raconte Alberto Toso Fei dans Ritratti Veneziani.

Tintoretta

Les expériences de Santorini ont peut-être inspiré la jeune fille du campo San Boldo lorsqu’elle a fait son beau sourire au fantôme de Selima !

Pepe Roncino

Probablement ! En tout cas, Selima aura été la principale source d’inspiration de mes Racconcini. Ce soir, il n’y en aura pas. Mais il y en aura un demain.

Tintoretta

Il en reste 12 ! Ce soir, c’est moi qui raconterai une histoire !

Pepe Roncino

L’histoire du Tintoret ?

Tintoretta

Non, l’histoire de sa fille Marietta, qui a vécu dans une maison au bord du rio de San Giacomo dall’Orio, sur le campo San Giacomo dall’Orio, comme le raconte Melania G. Mazzucco dans son roman La lunga attesa dell’angelo. On peut penser que c’était en face de nous. C’est là que Marietta s’installa lorsqu’elle fut mariée. Mélania raconte que cela déplut à Tintoretto que sa fille aille vivre aussi loin de la Madonna dell’Orto. Lorsqu’il sut qu’elle n’allait pas bien, il dit que c’était à cause de l’air malsain de cette paroisse : il n’y avait pas d’espaces verts mais des usines et notamment des tanneries et des ateliers de tissage qui exhalaient des fumées nocives pour la santé….

Vingtième jour : San Simeon Piccolo

Pepe Roncino

Aujourd’hui, on visite le dernier îlot de Santa Croce : San Simeon Piccolo. On ne va pas faire le tour complet de l’îlot en gondole mais ce sera quand même un grand tour car l’îlot est assez grand. On va assez vite quitter le Grand Canal en prenant le premier rio à gauche : le rio Marin.

Tintoretta

Chouette ! On va revoir ce beau rio !

Pepe Roncino

Notre îlot du jour est sur le côté droit… On longe le palais Gradenigo…

...Puis le palais Soranzo-Cappello… On prend le rio de San Zuane à droite. Zuane signifie Giovanni en vénitien. Cette appellation vient du fait qu’on longe la Scuola San Giovanni Evangelista… On longe la corte Malipiero… On suit le cours du canal…le rio devient celui des Muneghette. Munega signifie religieuse en vénitien ; muneghette « petites religieuses ». Il y avait un couvent, fondé en 1623, Al Gesù et Maria… On arrive maintenant sur le rio San Pantalon… On tourne à droite pour prendre le rio de Cà Foscari…puis de nouveau à droite pour prendre le rio de Malcanton. Regarde du côté gauche ! C’est un tout petit îlot que l’on ne visitera pas : on peut voir le palais Gabrielli-Dolfin… La fondamenta Malcanton ; Malcanton signifie « mauvais angle » ; on pourrait traduire par « coupe-gorge ». Cette appellation proviendrait d’un évènement historique qui fut sans doute à l’origine du conflit entre Castellani et Nicolotti. C’était au début du XIVème siècle. L’évêque de Castello, où se trouvait la cathédrale de Venise (à San Pietro) réclamait au curé de San Pantalon la dîme (un impôt sur le dixième des revenus) sur les morts de la paroisse, qui était due par toutes les paroisses de Venise. L’évêque s’appelait Ramperto Polo et le curé Bartolomeo Dandolo. Ce curé refusa de verser la dîme, en invoquant une dispense obtenue de l’évêque précédent. Tandis que l’évêque, Ramperto Polo, passait par cette fondamenta pour exiger le versement, il fut assailli par le peuple qui le tua.

Tintoretta

La cathédrale de Venise est maintenant à San Marco ?

Pepe Roncino

Oui, depuis 1807. Et le conflit entre Castellani et Nicolotti, dont je t’avais parlé à San Barnaba, est bien éteint aujourd’hui.

Tintoretta

Jusqu’à présent, on a surtout été chez les Nicolotti ?

Pepe Roncino

Oui, sauf lors des trois premiers jours… On s’arrête ici et on va tout de suite déposer nos affaires dans un palais tout près. Pour le dernier jour à Santa Croce, j’ai réservé un appartement dans le palais Odoni.

Tintoretta

Chouette !

Pepe Roncino

Ce palais se trouve sur la fondamenta Minotto…

Tintoretta

La cour est magnifique !

Pepe Roncino

En effet, elle date, tout comme le palais lui-même, du XVème siècle. L’intérieur a bien sûr fait l’objet d’une rénovation……..

On va maintenant visiter notre 20ème îlot. On prend à droite et on poursuit par la fondamenta dei Tolentini…

On arrive sur le campo dei Tolentini...

On va jeter un coup d'oeil à l'église San Nicolo da Tolentino

Tintoretta

Une grande église !

Pepe Roncino

Oui, Tolentino est une ville des Marches, dans la province de Macerata. Nicolo de Tolentino était un moine de l’ordre des ermites de Saint Augustin, mort à Tolentino en 1305. Un oratoire fut dédié à San Nicolo da Tolentino sur l’emplacement actuel de l’église, dès 1505. L’église fut érigée en 1591 en même temps qu’un monastère destiné à accueillir l’ordre des clercs réguliers théatins, fondé par Saint Gaétan de Thiene, qui s’est réfugié à Venise à la suite du sac de Rome par les troupes de Charles Quint en 1527. La façade date du début du XVIIIème siècle ; elle est l’œuvre d’Andrea Tirali.

Tintoretta

Le portique est de style corinthien !

Pepe Roncino

Oui, c’est rare de trouver ce style à Venise…

Allons maintenant jeter un coup d’œil à l’ancien couvent derrière l’église, qui abrite maintenant des locaux de l’Institut universitaire d’architecture de Venise….

On retourne sur le campo dei Tolentini et on va se promener sur la fondamenta dei Tolentini, d’abord du côté droit… On longe le rio della Croce…

De l’autre côté, se trouve un îlot que l’on ne visitera pas. C’est là que se trouvait auparavant l’église de Santa Croce qui a donné son nom au sestiere. Cette église avait été édifiée à la fin du VIIIème siècle. Au XIIème siècle, un monastère fut construit aux flancs de l’église ; au début du XIXème siècle encore, des religieuses de Santa Chiara y vivaient. Mais en 1810, l’église et le monastère furent supprimés et convertis en entrepôts. Puis ils furent démolis et on planta des arbres. En 1834, le jardin fut aménagé, sur le plan de Bagnara mais remodelé en 1863 par un français, Marco Guinon.

Tintoretta

Comment s’appelle je jardin ?

Pepe Roncino

Le jardin Papadopoli, du nom d’une famille originaire de l’île de Candie, qui s’installa à Venise au XVIIIème siècle. Cette famille était propriétaire de deux palais dans cet îlot, dont l’un est dans le Giardino… On va monter sur le pont de la Crose. Regarde cette colonne de granit encastrée dans le mur d’enceinte du parc, surtout en haut…

Son chapiteau en marbre sur lequel est sculpté un monogramme similaire à celui que l’on voit sur les piliers « acritani », sur le côté de la Basilique San Marco ! Cette colonne aurait donc la même origine que ces piliers, c’est-à-dire de Tolemaïde, cité de l’actuelle Libye, dont elle aurait été transférée en 1256. Elle aurait été utilisée pour un monument funéraire de l’église Santa Croce : soit celui dédié au doge Domenico Morosini, soit celui dédié au doge Orio Mastropiero… On va longer le Grand Canal par la fondamenta San Simeon Piccolo… On arrive devant l’église San Simeon Piccolo, que l’on va visiter….

Tintoretta

San Simeon Piccolo est en réalité plus grande que San Simeon Grande !

Pepe Roncino

En effet ! c’est parce qu’elle était au départ plus petite ! Sa première construction date du Xème siècle mais elle fut restructurée plusieurs fois et agrandie surtout au XVIIIème siècle. L’église telle qu’on la voit aujourd’hui est l’œuvre de Giovanni Scalfarotto.

Tintoretta

On retrouve un portique à colonnes corinthiennes, comme à San Nicolo da Tolentino !

Pepe Roncino

Oui, c’est le style architectural de l’îlot ! Son dôme est imposant, c’est le premier monument que l’on voit lorsqu’on sort de la gare ferroviaire. L’église est dédiée à San Simeon l’apôtre mais aussi à un autre apôtre, Jude. Elle abrite une crypte qui n'est plus visitable depuis peu pour des problèmes de stabilité.... On va maintenant voir de plus près le pont des Scalzi… Le pont dans sa forme actuelle date de 1934 ; il est l’œuvre d’Eugenio Miozzi ; mais il remplaça un pont en fer construit au XIXème siècle, durant la domination autrichienne…

Tintoretta

Où va-t-on manger ?

Pepe Roncino

A l’autre bout de l’îlot ! On reprend toute la fondamenta San Simeon Piccolo… on tourne à gauche avant le pont de la Crose pour prendre la fondamenta dei Tolentini…

Je vais te montrer un beau capitello sous le sottoportego delle case Nuove…

On passe devant notre gondole… puis au bout de cette fondamenta, on tourne à gauche pour prendre la fondamenta Minotto… On fait un petit détour à gauche pour voir la Corte degli spiriti...

A cette cour est attachée une légende, qui sera le Racconcino du jour... On retourne sur la fondamenta Minotto... Regarde ce beau palais en face !

Tintoretta

Oui, il est très beau !

Pepe Roncino

On poursuit tout droit par la salizzada San Pantalon…

Tintoretta

On se rapproche de l’église San Pantalon ?

Pepe Roncino

Oui, on fait d’abord un petit crochet sur la droite pour voir le ramo Arnaldi où le rio de Malcanton fait une belle courbe…

On tourne à droite et on va arriver sur le campiello Mosca qui est à deux pas du rio San Pantalon et du campo San Pantalon donc. C’est sur cette terrasse que l’on va s’installer ! A l’osteria La Lanterna !

Mais avant, on va jeter un coup d’œil à cette petite cour, la Corte de Cà Barbo…

La famille Barbo était originaire de Rome. En 1464, un membre de la famille, Pietro fut élu pape sous le nom de Paolo II. Ici se trouve leur palais, qui date du XVème siècle.

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On tourne à droite… Je vais te montrer le sottoportego qui mène au pont Vinanti que je t’avais montré il y a 11 jours.

Tintoretta

Le pont du silence !

Pepe Roncino

Bien ! Regarde !

Tintoretta

Il n’est pas long mais il est très original !

Pepe Roncino

On va maintenant se promener le long du rio Marin. On retourne sur la fondamenta dei Tolentini… On passe à droite sous le sottoportego del Tagiapiera…On arrive dans la corte del Tagiapiera…

On traverse le campo della Lana…

On poursuit par la Corte Canal…

On arrive dans le campiello dei Nerini et son sottoportego…

Et on fait un petit crochet par la Corte Cà Dario…

On prend à droite la fondamenta rio Marin… En prenant la troisième calle à droite, on rejoint la corte Malipiero

On retourne sur la fondamenta rio Marin qu’on reprend en sens inverse, en poursuivant par la fondamenta Gradenigo.

On se trouve devant l’entrée du palais Soranzo-Cappello, que l’on avait vu en arrivant, de la gondole.

On retourne sur la fondamenta Rio Marin et on prend à droite la Corte Canal...

...Puis le campo de la Lana… Puis la Corte del Tagiapiera… Et on prend à gauche la fondamenta Minotto pour rentrer dans notre appartement.

Tintoretta

On va bien profiter de ce beau palais !

On s’installe dans le séjour…

Avant le Racconcino, je vais continuer de te parler un peu de Marietta. Melania Mazzucco raconte, dans La lunga attesa dell’angelo, que Marietta a été le premier enfant du Tintoret. Il avait 36 ans. Il n’était pas encore un peintre très recherché. Il n’était pas marié mais fiancé à une gamine de 7 ans, la fille de son meilleur ami, Marco Episcopi. Il la voyait uniquement lorsqu’il allait voir cet ami. La mère de Marietta, il la connut à la fête des taureaux de San Felice…

Pepe Roncino

Ce sera le 34ème îlot !

Tintoretta

C’était en janvier 1553. Elle était allemande et se faisait appeler Cornelia. Elle habitait avec son amie Christina dans une ruelle derrière l’église San Bartolomeo…

Pepe Roncino

Dans l’îlot de San Salvador, le 41ème !

Tintoretta

Alors qu’ils se fréquentaient depuis deux ans, Jacopo lui loua une maison derrière l’église de Santa Caterina…

Pepe Roncino

Cette église se trouvait dans l’îlot des Gesuiti, le 35ème ! Mais elle n’existe plus.

Tintoretta

C’était le long du rio della Misericordia selon Melania Mazzucco.

Pepe Roncino

Plutôt le long du canal de la Misericordia. Je te le montrerai…

Tintoretta

Cornelia accoucha de Marietta au printemps 1555. Marietta, la petite Marie… Son père découvrit assez vite qu’elle avait un vrai talent pour peindre et il l’initia à son art. Il la fit même participer à certaines de ses toiles, notamment celles de la Scuola San Rocco….

Maintenant, le Racconcino 7 !

Pepe Roncino

La Corte degli Spiriti ne tient pas forcément son nom de la présence d’esprits dans ce lieu. En effet, les registres font apparaître qu’une famille du nom de Spirito y habitait au XIVème siècle.

Mais dans cette cour habitait aussi, à cette époque, un médecin, du nom d’Alvise, qui allait frapper les esprits par ses méthodes particulières. Il se livrait en effet à des expérimentations sur des malades mais aussi des malheureux qu’il recueillait dans les bas-fonds de Venise. Son palais, qui donnait sur la cour devint très vite un lieu de souffrance et de mort.

On raconte que les âmes de ses victimes, recluses entre les murs de ce palais, ne trouvaient plus la paix et que leurs tourments remplissaient la cour de lamentations et de présences spectrales.

Mais le plus inquiétant de tous les esprits était celui d’un jeune poète, Carlo, qui était amant de Lucrezia Spirito, dont les parents étaient propriétaires de la maison voisine du médecin. Une froide journée d’hiver où Lucrezia était souffrante, ceux-ci confièrent leur fille aux soins d’Alvise, dont ils ignoraient alors la dangerosité des remèdes. Au début de sa maladie, Lucrezia continuait de voir son amant Carlo en cachette. Celui-ci la trouvait de plus en plus pâle chaque jour ; Lucrezia finit par lui confier qu’elle suivait un traitement spécial que lui concoctait et lui administrait son voisin médecin. Carlo lui enjoignit de cesser de boire ses potions. Le lendemain soir, elle n'était pas à leur rendez-vous sur la fondamenta. Le surlendemain, il se résolut à frapper à la porte de la maison des Spririto. Francesco, le père de Lucrezia lui ouvrit et lui apprit la mort de Lucrezia. Carlo confessa alors la liaison qu’il avait avec Lucrezia et les confidences que celle-ci lui avait faites au sujet du traitement que lui infligeait son médecin. Carlo chercha à convaincre Francesco de dénoncer Alvise. Mais Francesco, méfiant vis-à-vis d’un jeune homme qui avait osé séduire sa fille en cachette, préféra rapporter les propos de Carlo à Alvise. Or, ce dernier, expert en manipulation, réussit à mettre dans la tête de Francesco que c’était l’amant qui avait empoisonné Lucrezia pour abuser d’elle.

Carlo fut arrêté et accusé du meurtre de Lucrezia. Il fut condamné à mort et pendu entre les deux colonnes de la Place Saint Marc.

Depuis, sur la fondamenta Minotto, un fantôme apparaît parfois l’hiver aux passants insomniaques lorsque l’éclairage des lanternes permet de transpercer le brouillard. Une corde attachée au cou, ce fantôme murmure des poèmes.

Mais c’est surtout dans la cour que, les nuits de brouillard, on entend ce fantôme qui, alors, ne murmure pas des poèmes d’amour mais des malédictions.

On n’entend pas d’ailleurs que ce fantôme mais quantité d’esprits qui émettent des sons glaçants. On dit que ce sont les plaintes de toutes les victimes de ce médecin.

Lorsque cette histoire tomba dans l’oubli, la cour se repeupla. Mais aujourd’hui encore, lorsqu’on entre dans la cour les nuits de brouillard, on ressent un froid surnaturel et une présence qui vous suit dans l’ombre en murmurant à votre oreille : « Lucrezia, spirito mio »…

Tintoretta

Et le fantôme de Lucrezia, est-ce qu'il lui répond ?

Pepe Roncino

On ne l'entend pas lui répondre mais en regardant cette nuit par la fenêtre, tu le verras peut-être glisser sur le canal le long de la fondamenta Minotto, comme Selima...

Buona notte Tintoretta !