
Du 5ème au 8ème jour : de San Sebastiano à San Nicolo dei Mendicoli
Pepe Roncino et Tintoretta quittent l'îlot très animé de Santa Margherita pour visiter des îlots plus tranquilles dans lesquels ils vont pouvoir admirer deux très belles églises : San Sebastiano, l'église du grand peintre Véronese et San Nicolo dei Mendicoli.
Emeric Cristallini
8/29/202533 min temps de lecture


Cinquième jour : San Sebastiano
Pepe Roncino
Allez, ma Tintoretta, c’est parti pour notre cinquième étape !
Tintoretta
On remonte le rio de San Basilio ?
Pepe Roncino
Oui et assez vite, on va longer le campo San Sebastiano ; l’église de San Sebastiano est une des plus belles églises de Venise.
Tintoretta
Il y a des œuvres du Tintoret ?
Pepe Roncino
Non, mais c’est l’église d’un autre grand peintre vénitien : Véronèse. Ce sera la principale visite du jour. Après le ponte San Sebastiano, le canal prend le nom de rio San Sebastiano.
Tintoretta
On fait le parcours inverse d’hier !
Pepe Roncino
Oui, sauf qu’au bout du rio, on prend le rio de l’Anzolo Rafael sur la gauche.
Tintoretta
L’anzolo, c’est l’angelo ?
Pepe Roncino
Oui, c’est même l’arcangelo Raffaelle. On ne va pas faire tout le tour de l’île en gondole. On va s’arrêter sur le campo de la Pescaria ; sinon, on se retrouverait sur le canal de Fusina, dont le canal de la Giudecca est le prolongement et sur le bord duquel s’étend la station maritime. Ce n’est pas le meilleur endroit pour une gondole !
Tintoretta
On s’arrête ici alors ?
Pepe Roncino
Oui, juste avant le ponte de la Piova. On sera très bien ici ; c’est un endroit très tranquille.
Tintoretta
En effet, il n’y a pas beaucoup de boutiques !
Pepe Roncino
Oui, cet îlot n’est pas très commerçant. Il y a quand même une petite osteria où on fera nos repas de midi et du soir.
Tintoretta
Il n’y aura pas beaucoup de choix !
Pepe Roncino
Oui, mais tu verras, c’est un bon restaurant, typiquement vénitien : la trattoria Anzolo Raffaelle. On va d’ailleurs la voir tout de suite. Après la corte Loredana, sur la gauche, on prend de nouveau à gauche par la calle Bevilacqua puis, encore à gauche, la calle de la nave. On arrive sur le campo de l’Anzolo Rafael. Regarde, l’osteria est à droite !
Tintoretta
Ah oui ! il y a une belle petite terrasse ; et à gauche, il y a de l’herbe !






Pepe Roncino
Oui, avec la pelouse du campo San Trovaso, le premier jour, c’est un des rares endroits de Venise où l’on trouve de l’herbe.
Tintoretta
Finalement, ça fait du bien de trouver un peu de quiétude après ces deux derniers jours où on était dans des quartiers très animés !
Pepe Roncino
En effet, ce sera souvent comme ça dans notre voyage : une alternance d’îlots animés et d’îlots tranquilles. On va maintenant visiter l’église de l’Anzolo Rafael. C’est une église que l’on remarque de loin grâce à ses deux campaniles. On pense qu’elle fut érigée en 416 à l’initiative d’Adriana, épouse de Genusio Ruteno, un seigneur de Padoue, dans le but d’accomplir le vœu qu’elle avait fait lors de l’arrivée de son mari du continent, dévasté par les incursions des Barbares.
Tintoretta
C’était quels Barbares ?
Pepe Roncino
Dans les années qui précèdent 416, ce furent principalement les Wisigoths d’Alaric.
Tintoretta
C’était avant la fondation mythique de Venise, en 421 !
Pepe Roncino
En effet, tu as bien retenu ma petite leçon du premier soir ! Cette église fut brûlée trois fois par un incendie : en 899, 1105 et 1149 et restaurée à chaque fois. Mais elle finit quand même par tomber en ruines et fut complètement reconstruite en 1618 par Francesco Contino. Elle fut fermée vers la moitié du XIXème siècle et réouverte en 1862. La façade actuelle date de 1735. Sur son portail est représenté l’ange Raphaël en compagnie de Tobie. La sculpture est attribuée à Sebastiano Mariani da Lugano et date du XVIème siècle.
Entrons dans l’église !




Au-dessus de l’entrée, sur le parapet de l’orgue, des panneaux retracent des épisodes de la vie de Tobie. Ils furent réalisés au milieu du XVIIIème siècle par Gianantonio Guardi, le frère de Francesco.


Au fond du chœur, on peut admirer une œuvre de Michelangelo Morlaiter, du milieu du XVIIIème siècle, sur l’Ange Raphaël…






Avant de sortir, regarde cette statue de vierge dans le Baptistère !


Tintoretta
Elle est très belle !


Pepe Roncino
On va maintenant sur la place derrière l'église : le campo drio il cimitero...
Sur la vera da pozzo est gravée l’année 1349 et le nom du commettant, Marco Arian, dont on a vu la tombe hier.
Tintoretta
Oui, je me souviens, tu me l’avais montrée en me disant que c’était celle du chef de la paroisse de l’Angelo Raffaelle.
Pepe Roncino
Ce Marco Arian mourut durant la grande peste de 1348 et laissa par testament l’argent pour faire creuser deux puits, l’un public et l’autre privé.
Au n° 1712, il y avait un hospice pour sept femmes pauvres, fondé en 1376 par Gabriele et Luciano Prior...




Sur ce campo, on trouve une autre vera da pozzo très belle, avec de nouveau l’Archange Raphaël qui conduit par la main Tobie et un autre saint…


On va maintenant sur une autre petite place attenante, le campazzo San Sebastian... De là, on voit cette maison isolée, sur le campiello del squero


Tintoretta
C'est mignon comme tout !
Je commence à avoir faim !
Pepe Roncino
Pas de problème, ma Tintoretta, on retourne sur le campo de l’Anzolo Rafael et on s’assied sur la terrasse !








Tintoretta
Aujourd’hui, j’ai envie de bigoli in salsa !
Pepe Roncino
D’accord, deux bigoli in salsa per favore !




Après ce bon pranzo, on va visiter la très belle église de San Sebastiano. On traverse le campazzo San Sebastian et on arrive sur le campo San Sebastiano.


Tintoretta
L’entrée de l’église est tout près du canal, juste en face du pont !
Pepe Roncino
Oui, en effet, on a déjà bien vu la façade !


Cette église a été construite au XVIème siècle par le Scarpagnino.


On y entre pour admirer les œuvres de Véronèse. Véronèse était le grand rival du Tintoret. Cette église est son église, comme la Madonna dell’Orto est l’église du Tintoret.
Tintoretta
Véronèse s’appelait ainsi car il était de Vérone ?
Pepe Roncino
Oui, il est né à Vérone mais il est mort à Venise ; sa sépulture se trouve ici, au pied de l’orgue. Son vrai nom était Paolo Caliari.
Tintoretta
Il avait à peu près le même âge que Tintoretto ?
Pepe Roncino
Il avait dix ans de moins, mais il est mort six ans plus tôt, en 1588.
Tintoretta
Tintoretto est né en 1518, je me souviens de l’expo à Paris à l’occasion des 500 ans de sa naissance.
Pepe Roncino
En effet, au Grand Palais et au musée du Luxembourg. Contrairement au Tintoret, Véronèse ne s’est pas fâché avec son maître Titien. Il avait un caractère plus doux, moins ombrageux et surtout, moins colérique ! Mais ses œuvres n’avaient pas le même réalisme : beaucoup plus éthérées, plus esthétiques, plus lumineuses.
Tintoretta
C’est bien qu’il y ait des styles très différents entre ces deux grands rivaux, ils ont été complémentaires. Je trouve ce plafond magnifique !
Pepe Roncino
Oui, ces toiles retracent la vie d’Esther. Et regarde la chapelle avec ces deux toiles : San Marco et San Marcellano exhortés au martyre par San Sebastiano et Le Martyre de San Sebastiano….
Tintoretta
Qui était Saint Sébastien ?
Pepe Roncino
Je regarde dans La Légende dorée de Jacques de Voragine : Sébastien serait né à Narbonne mais fut ensuite citoyen de Milan. Il fut enrôlé comme soldat à Rome vers 283. L’empereur Dioclétien le nomma commandant de la garde prétorienne sans savoir qu’il était chrétien… Sur cette première toile, Marc et Marcellin étaient des jumeaux, prisonniers chrétiens que leur famille pressait d’abjurer le christianisme pour échapper au martyre. Sébastien met tellement de force à les convaincre de ne pas renier leur foi qu’une femme muette, impressionnée, s’approche de Sébastien et retrouve la parole. Sébastien allait enchaîner d’autres miracles, qui allaient entraîner des milliers de conversions. Cela amena l’empereur Dioclétien à le condamner à être attaché à un poteau au milieu du Champ de Mars avant d’être percé de flèches par ses archers ; mais Sébastien guérit de ses blessures et alla au palais impérial reprocher à Dioclétien ses persécutions contre les chrétiens ; mais celui-ci, loin de se repentir, le fit battre à coups de verges. Cette fois, le corps de Sébastien ne résista pas ; son cadavre fut jeté aux égouts ; mais il réapparut à Sainte Lucine pour lui révéler où se trouvait son corps ; sa dépouille fut ainsi conservée à Rome, auprès de celles de Saint Pierre et de Saint Paul.
Tintoretta
Saint Sébastien méritait bien cet hommage de Véronèse !
Pepe Roncino
En effet ! Il y a aussi d’autres œuvres de Véronèse…. Dans la chapelle Garzoni, regarde cette Crucifixion…


Dans la sacristie, il y a un cycle de peintures de l’école de Bonifacio Pitati, antérieure à celle de Véronèse.


D’abord, Le Sacrifice d’Isaac...


Puis l’Echelle de Jacob, ou Songe de Jacob...


Puis la Nativité...


Puis le baptème du Christ...


Puis le Passage de la Mer Rouge...


Puis la Crucifixion...


Puis le Châtiment des Serpents...


Puis l'Oraison dans le Jardin...


Puis la Résurrection du Christ...


On trouve aussi une représentation de Saint Paul l’Ermite...


...et de Saint Sébastien...


Tintoretta
Il n’y a pas d’œuvre de Véronese dans la sacristie ?
Pepe Roncino
Si, au plafond, on peut admirer La Vierge Couronnée !


Cette église est la perle de notre îlot du jour. En sortant, regarde cette plaque à droite de l’église ! Il est indiqué qu’ici a vécu Paolo Veronese. D’aucuns disent qu’il y a été enfermé ; d’autres qu’il s’y est réfugié. Je te raconterai sa vie ce soir… On va maintenant retourner nous reposer un peu dans notre gondole avant de dîner.
Tintoretta
Je suis contente de retourner dans notre petite osteria ce soir ! Je reprendrai des bigoli !
………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Encore un bon repas ! Tu me racontes la vie de Véronèse ?
Pepe Roncino
Paolo Caliari est né à Vérone en 1528, d’où son nom de Véronese, le véronais. Mais à cette époque, Vérone faisait partie de l’Etat vénitien. Ce n’est qu’en 1552 qu’il arrive à Venise, avec déjà une expérience de peintre derrière lui. Dès l’année suivante, le père Bernardo Torlioni, le prêtre de l’église San Sebastiano, qui l’avait rencontré à Vérone, lui confie la décoration de l’église. Il y travaillera jusqu’en 1565 mais par intermittence. En 1573, il peint une Ultima Cena pour les moines de San Zanipolo, la basilique dominicaine que l’on visitera dans quelques semaines. Les moines furent mécontents de son travail et en saisirent le Tribunal de l’inquisition. On lui demanda pourquoi il avait peint dans son tableau des chiens et des nains (cani et nani en italien), alors que ces créatures étaient considérées par la religion comme liées au diable. Et aussi pourquoi il y avait des protestants. Véronese invoqua la liberté de la création artistique mais le Tribunal lui imposa de modifier le tableau à ses frais. C’est ce qu’il fit : mais il ne modifia que le titre : « Le repas chez Lévi ». Cela ne brisa pas sa carrière car il fut de nouveau commissionné pour décorer le palais des Doges. Il ne fut donc pas emprisonné pour ça. En revanche, on peut penser qu’il profita de la protection du prêtre de l’église San Sebastiano pour se réfugier parfois dans le couvent qui se trouvait à droite de l’église en sortant de celle-ci et qui abrite aujourd’hui une annexe de la Cà Foscari. On dit qu’en-dehors de ses démêlés avec l’Inquisition, il eut quelques litiges avec des Vénitiens puissants. Mais sa résidence principale se trouvait dans l’îlot San Stefano, près de San Samuele, que l’on visitera lors de notre dernière semaine. De la même façon que Sansovino, avec lequel il s’entendait bien, fut l’architecte officiel de la République de Venise, Véronese en fut le peintre officiel, glorifiant Venise dans ses œuvres du palais des Doges. Mais son œuvre la plus grande et la plus célèbre, Les Noces de Cana, qui ornait initialement le réfectoire du monastère de l’île de San Giorgio Maggiore, se trouve à Paris, au musée du Louvre….
Bonne nuit Tintoretta !
Sixième jour : Santa Teresa


Pepe Roncino
Aujourd’hui, nous allons visiter un des îlots les plus excentrés de Venise, Santa Teresa. Du rio dell’Angelo Raffaelle, on va rejoindre le rio San Nicolo puis tourner à droite pour prendre le rio de le Terese…. On longe l’église Santa Teresa… Après être passé sous le pont de le Terese, on se retrouve sur le rio de l’Arzere…. On va s’arrêter sur le campo dei Sechi…
Comme hier, on ne va pas faire le tour complet de l’îlot car ça nécessiterait d’emprunter un canal sans charme longeant des voies ferrées provenant du continent puis de rejoindre le canal de Fusina, dont je t’ai parlé hier. La partie de l’îlot que l’on va visiter est toute petite : elle se limite à l’église Santa Teresa et aux ruelles qui l’entourent.


Pepe Roncino
Aujourd’hui, nous allons visiter un des îlots les plus excentrés de Venise, Santa Teresa. Du rio dell’Angelo Raffaelle, on va rejoindre le rio San Nicolo puis tourner à droite pour prendre le rio de le Terese…. On longe l’église Santa Teresa… Après être passé sous le pont de le Terese, on se retrouve sur le rio de l’Arzere…. On va s’arrêter sur le campo dei Sechi…
Comme hier, on ne va pas faire le tour complet de l’îlot car ça nécessiterait d’emprunter un canal sans charme longeant des voies ferrées provenant du continent puis de rejoindre le canal de Fusina, dont je t’ai parlé hier. La partie de l’îlot que l’on va visiter est toute petite : elle se limite à l’église Santa Teresa et aux ruelles qui l’entourent.


Au bout de la fondamenta Rugheta, on prend la fondamenta delle Terese…


On laisse à droite la calle del Cristo… et on longe l’église Santa Teresa…
Tintoretta
J’espère que l’église vaut le coup !
Pepe Roncino
On ne pourra pas la visiter ; elle fait partie des églises fermées dont parle Jean-Paul Kaufman dans son livre Venise à double tour. Mais Venise, c’est ça aussi : des églises fermées, des lieux abandonnés…. Cette église fut fondée, ainsi que le monastère, en 1647 par Maria Ferrazzo, qui perdit ses parents lors de la grande peste de 1630. L’église et le monastère furent consacrés aux Carmélites, appelées les Terese car les deux principales carmélites furent Thérèse d’Avila et Thérèse de Lisieux. Comme tu le vois, la façade de l’église est dépouillée de tout ornement. A l’intérieur, il y avait un tableau de Giovan Battista Langetti : Cristo in croce et La Maddalena.
Tintoretta
Ah oui, tu me l’avais montré à la Cà Rezzonico !




On tourne à droite pour prendre la calle Nova de le Terese ; on longe l’ancien couvent des Terese. Ce couvent fut construit dans la seconde moitié du XVIIème siècle. Il abrite aujourd’hui l’Institut Universitaire d’Architecture de Venise (l’IUAV).
Allez, pour enrichir la visite, on ira jusqu’au petit quartier de San Marta en passant devant l’Université. Avant celle-ci, on longe un jardin où les étudiants peuvent prendre l’air entre deux cours.




Tintoretta
C’est une annexe de la Cà Foscari ?
Pepe Roncino
Oui, comme il y en a un peu partout dans Venise, mais surtout dans les îlots autour du siège… On poursuit par cette fondamenta San Marta.
Tintoretta
Pourquoi San Marta ?
Pepe Roncino
Il y avait une église à l’extrémité de cet îlot, qui est aussi l’extrémité sud-ouest de Venise, qu’on appelle la punta San Marta, qui est donc à l’opposé de la punta della Dogana, où se trouve la basilique de la Salute. Cette église fut édifiée une première fois en 1315, en même temps qu’un local qui devait servir d’hospice pour les pauvres de la paroisse mais qui se transforma en couvent. L’église fut reconstruite en 1466-1468. Mais elle perdit sa fonction d’église en même temps que fut fermé le couvent, en 1805. Aujourd’hui, l’ex-église se trouve dans un parking.
Tintoretta
Des voitures peuvent y venir ?
Pepe Roncino
Oui, il y a une petite route qui vient du pont de la Liberté, en longeant les voies ferrées. Au bout de la calle larga San Marta, on va prendre à gauche, traverser la calle dei Secchi puis tourner à droite puis à gauche par la calle Longhi… Au bout de cette ruelle, on arrive au campielletto delle Orsoline.
Tintoretta
J’aime bien le nom de cette petite place !
Pepe Roncino
La compagnie des orsoline – ursulines en français – a été fondée à Brescia en 1535 par Angela Merici ; les sœurs ursulines ne vivent pas dans un monastère ; elles pratiquent leur apostolat en restant intégrées dans la société. Angela Merici est née à Desenzano, au bord du lac de Garde. Les trains qui viennent de Milan s’y arrêtent, même les trains rapides. A l’époque, Desenzano, tout comme Brescia, faisait partie de la République de Venise.
Tintoretta
Pourtant, Brescia se trouve en Lombardie !
Pepe Roncino
Oui, Desenzano aussi ! Je te raconterai ce soir l’histoire de l’extension territoriale de Venise. Regarde ! On devine l’ex-église San Marta derrière ce mur !


Tintoretta
Qui était San Marta ?
Pepe Roncino
Marthe était la sœur de Lazare qui fut ressuscité par Jésus ; elle aurait également été témoin de la résurrection de Jésus. Le jour de sa fête, le 29 juillet, ou plutôt la nuit qui précédait, une coutume voulait que l’on installât des tables pour manger du poisson à la punta San Marta, sans doute pour commémorer le banquet que Sainte Marthe offrit un jour à Jésus.
On a vu une représentation de cette fête de San Marta à la Cà Rezzonico : un tableau de Gaspare Diziani, où l’on peut apercevoir l’église.


Tintoretta
Aujourd’hui, un banquet sur le parking ne serait pas très agréable !
Pepe Roncino
Et juste en face de la station maritime, où s’arrêtent de gros navires ! On va maintenant prendre la calle de le Case Nove vers l’Université… puis à gauche la calle dei Remurchianti. Les remurchianti étaient des marins qui avaient l’habitude de remorquer (rimorchiare en italien, rimurchiare en vénitien) des barques pour les amener dans un emplacement précis… Au n° 2998, vécut Vincenzo Dabala qui fut un chef des Nicoloti. Il avait été élu par les habitants des paroisses de l’Angelo Raffaelle et de San Nicolo, celle de San Nicolo englobant l’îlot où on se trouve. Il avait le privilège de suivre le doge dans une petite barque attachée à la poupe, à l’arrière du Bucentaure, le grand navire de la République de Venise, lors de la cérémonie où le doge épousait la mer. J’aurai l’occasion de te parler plus en détail du Bucentaure et de cette cérémonie lorsqu’on visitera l’Arsenal.
Tintoretta
Finalement, tu as quand même pas mal de choses à me raconter sur cet îlot !
Pepe Roncino
C’est ça l’intérêt de notre voyage en gondole, c’est de prendre le temps de découvrir des lieux et des histoires un peu cachés… On va déjeuner dans cette osteria, la Tecia Vegana…


Tintoretta
Ce repas vegan était très bon !
Pepe Roncino
Oui, ça change un peu… On y retournera ce soir… Auparavant, on va se promener à l’autre bout de l’îlot, par la calle larga San Marta puis le rio terà dei Secchi, jusqu’au pont de San Marta…


………………………
Tintoretta
Voilà, après ce bon dîner, tu me racontes l’histoire de Venise !
Pepe Roncino
Plutôt l’histoire de l’expansion territoriale de Venise. Tu te souviens que la ville de Venise est née vers l’an 800. C’est plus précisément en 812 que la Venise rialtine, que l’on visite lors de notre voyage, est devenue la capitale de la lagune, après avoir repoussé les assauts de Pépin, le fils de Charlemagne. Venise faisait alors partie de l’empire byzantin, avec sur le continent, juste en face d’elle, l’empire carolingien qui occupait tout le nord de l’Italie. Son duché conquit assez vite une grande autonomie vis-à-vis de la lointaine Byzance. Dès 827, Byzance sollicita l’aide de Venise lors de l’invasion arabe de la Sicile. Venise chercha rapidement à sécuriser son commerce en développant des comptoirs le long des côtes adriatiques et ioniennes et jusqu’en mer Egée. Pour mieux lutter contre les raids des pirates slaves, ces comptoirs devinrent même des possessions : en Dalmatie d’abord puis en Albanie, des îles comme la Crète et Chypre. Surtout, en 1204, à l’issue d’une croisade, Constantinople fut prise, ce qui marqua la fin de l’empire byzantin ; la République de Venise devint une puissance autonome. Mais face aux Turcs qui fondèrent l’empire ottoman en 1453, Venise perdit progressivement son Stato da Mar (son Etat maritime). En revanche, elle conquit des territoires sur le continent : le Stato da Terra, qui, en 1454, après 50 ans de guerre, engloba toute la Vénétie (Vicence, Padoue, Vérone), le Frioul (plus au Nord) et une bonne partie de la Lombardie (Brescia, Bergame, Crema). La République de Venise conserva son vaste territoire sur la terre ferme jusqu’à sa propre disparition, en 1797…
Tintoretta
Milan, en revanche, n’a jamais fait partie de la République de Venise ?
Pepe Roncino
Non, mais on disait que Milan n’était qu’à deux journées de marche du territoire de Venise. Selon une légende racontée dans Milan insolite et secrète, de Massimo Polidoro, l’armée de la République de Venise a tenté un jour de conquérir Milan. Une nuit, alors que les soldats vénitiens s’approchaient de la ville sans faire de bruit, un boulanger les entendit et donna l’alarme. Je reprends mes notes : « Pris de court, les Vénitiens déguerpirent, abandonnant sur place leurs emblèmes et leurs étendards, parmi lesquels on trouva également un gros lion de pierre que l’on décida d’exposer sur un piédestal au milieu de la piazza San Babila. »
Bonne nuit Tintoretta !
Tintoretta
Bonne suit Pepe !




Septième jour : Santa Maria Maggiore


Pepe Roncino
Aujourd’hui, on continue de découvrir la Venise mineure avec le petit îlot de Santa Maria Maggiore. On prend d’abord le rio de l’Arzere puis le canal de San Marta… On tourne ensuite à droite pour prendre le rio delle Burchielle… On passe sous un des Trois Ponts : ce sont trois ponts reliés entre eux… On tourne à droite sur le rio Novo… On s’arrête sur le rio Terrà dei Pensieri… On a quitté le quartier de Dorsoduro pour entrer dans celui de Santa Croce !
Tintoretta
C’est la première fois que l’on change de sestiere ?
Pepe Roncino
Oui, jusqu’à présent, on n’avait été que dans Dorsoduro.
Tintoretta
On a visité tout Dorsoduro ?
Pepe Roncino
Non, on n’en a visité que la moitié environ. D’ailleurs, on y retournera dès demain. La division de Venise en sestieri est purement administrative. Il y a en revanche quatre divisions qui comptent. La première, c’est la division en 106 îlots : celle que l’on suit, en n’en retenant que 72. La deuxième, un peu plus large, c’est la division en archipels d’îlots : Olivolo, le plus anciennement habité, qui correspond à l’extrémité de l’actuel sestiere de Castello ; les Gemine qui comprennent les paroisses de San Martino, San Giovanni in Bragora, San Severo, San Lorenzo et San Zaccaria ; Canaleclo, appelé aujourd’hui Cannaregio ; Rialto dont une partie se trouve sur la rive gauche du Grand Canal : les paroisses de San Marco, Santa Maria Formosa, San Salvador et San Bartolomeo, et l’autre partie sur la rive droite : une partie de l’actuel sestiere de San Polo ; ensuite Dorsoduro et enfin l’archipel de Luprio autour du campo San Giacomo dell’Orio (le sestiere de Santa Croce et l’autre partie de San Polo).
Tintoretta
Il y a donc six archipels d’îlots, mais qui ne correspondent pas complètement aux sestieri actuels ?
Pepe Roncino
Oui, sachant que dans les délimitations que je t’ai indiquées, je ne sais pas où mettre toute la partie entre San Marco et le pont de l’Académie : Santa Maria del Giglio, Santo Stefano, San Fantin, San Luca…
Pepe Roncino
La troisième division, c’est entre la rive gauche du Grand canal, que les Vénitiens appellent « de citra » (di qua en italien, d’ici en français), c’est-à-dire du côté de San Marco, et la rive droite, « de ultra » (di là en italien, de là-bas en français), c’est-à-dire de l’autre côté de San Marco.
Tintoretta
Comment détermine-t-on que telle rive est la rive droite et telle rive la rive gauche ?
Pepe Roncino
Normalement, pour déterminer si on se trouve sur la rive droite ou la rive gauche d’un cours d’eau, on part de la source de celui-ci. A Venise, ce n’est pas évident car on ne connaît pas la source du Grand Canal. Mais pourtant, cette source a existé. En effet, le Grand Canal était autrefois un bras de la Brenta, un fleuve qui descend des Dolomites.
Tintoretta
Et la quatrième division, c’est entre la Venise des Castellani et celle des Nicolotti ?
Pepe Roncino
Oui, et tu te souviens que la Venise des Nicolotti englobait les sestieri de Santa Croce, dans lequel on se trouve aujourd’hui, San Polo, Cannaregio et la partie occidentale de Dorsoduro (dans laquelle on se trouvait hier), tandis que la Venise des Castellani correspondait aux sestieri de Castello et de San Marco et à la partie orientale de Dorsoduro (où on était les trois premiers jours).
Tintoretta
La rue que l’on arpente en ce moment ressemble à une rue normale ?
Pepe Roncino
Oui, ce rio terra dei Pensieri, tout rectiligne, ne fait pas très vénitien !
Tintoretta
Autrefois, pourtant, il y avait un canal !
Pepe Roncino
En effet, et la fondamenta qui longeait ce canal était très obscure à cause d’un mur très haut, couvert d’herbe, qui se reflétait dans le canal.
Tintoretta
Et pourquoi «dei Pensieri ? »
Pepe Roncino
Pensieri, ce sont les pensées : il est probable que cette rue, qui était déjà assez isolée autrefois, favorisait les pensées !
Tintoretta
En tout cas, cette rue est très fleurie !
Pepe Roncino
Oui, et il y a une belle terrasse où on va déjeuner, le café des fleurs ! Avant, regarde ce jardin potager ! On cultive une melanzana, une aubergine...


Une anguria, une pastèque...


Tintoretta
Cette rue est très différente des autres rues de Venise !
Pepe Roncino
C'est vrai ! On va pouvoir l'admirer de la terrasse.




On va maintenant tourner à gauche au bout de cette rue pour voir de près l’ex-église Santa Maria Maggiore. Cette église fut fondée à la fin du XVème siècle par Caterina, une religieuse de la paroisse de Sant’Agnese.
Cette église fut dédiée à la Vierge Marie. En effet, au XVème siècle, un ermite qui habitait dans cet îlot avait vu plusieurs fois une femme d’une grande beauté, portant un enfant dans ses bras, se promener sur l’eau du canal. Ce prodige avait été remarqué aussi par des pêcheurs des environs. Pourquoi ce prodige ? Et pourquoi dans cet îlot ? Cet îlot est très retiré. Dans celui d’hier, il y a l’Université. Ici, il y a une prison. Et il y avait surtout ce canal, maintenant « atterré » au sens de couvert de terre, comblé, le rio terà dei Pensieri. Il est aujourd’hui fleuri, peut-être pour exorciser le passé. En effet, une légende raconte que le lieu était tellement sinistre qu’il poussait les personnes qui longeaient le canal à s’y noyer. A l’époque, l’eau du canal était noire car un mur très élevé, couvert d’herbe, cachait la lumière et se reflétait dans le canal. Aujourd’hui, ce haut mur, on pourrait dire cette muraille, existe toujours : c’est l’enceinte du pénitencier de Venise. L’apparition de la Vierge – car le prodige lui fut attribué - dans ce canal a pu être un signal d’espoir pour éviter toutes ces tragédies. Toujours est-il que Caterina, une religieuse de Sant’Agnese, demanda au Sénat que soient élevés, au bord de ce canal, une église et un couvent dédiés à la Vierge Marie. Sa demande fut acceptée ; l’église et le couvent furent construits en 1497. Quelques années après, en 1502, l’église prit le nom de Santa Maria Maggiore. Pourquoi Maggiore ? Car l’architecte Tullio Lombardo prit comme modèle la Basilique Santa Maria Maggiore. Au niveau du plan en tout cas, car évidemment la dimension de l’église ne peut être comparée avec une des Basiliques majeures de Rome. Les travaux de rénovation furent financés par le patricien Luigi Malipiero, dont on retrouve le blason sur le campanile gothique. En 1786, l’église fut déconsacrée et devint un entrepôt pour la Manufacture des tabacs. Aujourd’hui, la manufacture des tabacs est fermée mais l’ancienne église est toujours un lieu de dépôt. Le couvent fut quant à lui agrandi l’année suivante, en 1503. En 1810, le couvent fut cédé aux militaires mais il brûla entièrement en 1817. A cet emplacement, furent construites les prisons. On est ici très loin des anciennes prisons de Venise, qui se trouvaient au-dessus du palais des Doges et de l’autre côté du pont des Soupirs. Pensées, soupirs… La proximité des prisons favorise les états d’âme… Aujourd’hui, les âmes damnées sont celles des prisonniers auxquels il arrive peut-être parfois d’apercevoir, derrière les barreaux de leur cellule, la Vierge Marie, privée d’église, glisser sur le rio terà dei Pensieri…
Ce n’est pourtant qu’en 1502, lorsqu’elle fut rénovée, que l’église prit le nom de Santa Maria Maggiore, le même nom que l’église de Santa Maria Maggiore de Rome, qui fut prise pour modèle et qui est d’ailleurs une des quatre basiliques majeures…. Il y avait aussi un monastère attenant à l’église mais il brûla en 1817…. En face de l’église, se trouve cet édifice, qui abritait la Scuola des Brocanteurs, construite en 1507….




On se promène un peu sur la fondamenta Santa Maria Maggiore, dans les deux sens...








On retourne maintenant vers le rio terà dei Pensieri… Dans la calle de le Burchiele, il y a un beau capitello...




Au bout de cette calle, on prend la fondamenta de le Burchiele…




Puis on rejoint le rio terà dei Pensieri…


Tintoretta
On a fini le tour de l’îlot ?
Pepe Roncino
Oui, il n’y a pas grand-chose à visiter mais il a l’avantage d’être très fleuri… et assez vert…
Malgré la présence de la prison…












Une pensée pour ces prisonniers qui purgent leur peine.
Tintoretta
Oui, ils ne peuvent pas faire de voyage en gondole...
Pepe Roncino
Bonne nuit Tintoretta !
Huitième jour : San Nicolo dei Mendicoli


Pepe Roncino
Aujourd’hui, on retourne dans le sestiere de Dorsoduro pour visiter l’îlot de San Nicolo dei Mendicoli.
Tintoretta
Chez les Nicolotti !
Pepe Roncino
Eh oui, dans leur QG ! On commence par prendre sur la droite le rio dei Tre Ponti…puis le deuxième canal à droite, le rio del Tintor… Puis à gauche le rio Briati… On rejoint le rio dei Carmini sur la droite… Ce canal devient le rio dell’Angelo Raffaelle. On revoit l’église éponyme…
Tintoretta
Oui, et maintenant on longe la fondamenta de la Pescaria où on s’était arrêté !
Pepe Roncino
Oui, mais cette fois, on poursuit en passant sous le pont de la Piova ; le canal prend le nom de San Nicolo… On va presque jusqu’au bout de ce rio ; on s’arrête sur le campiello Oratorio…
Tintoretta
L’église San Nicolo, c’est celle que l’on voit au bout de la place ?
Pepe Roncino
Oui, San Nicolo dei Mendicoli, à ne pas confondre avec San Nicolo da Tolentino que l’on visitera après-demain…




Allez, on rejoint le campo San Nicolo dei Mendicoli, qui était donc le centre de la paroisse habitée par les Nicoloti, qui étaient essentiellement des artisans et des pêcheurs. Les deux symboles de leur étendard étaient une colonne et un lion ailé. Ces deux symboles sont encore présents sur la place. Ils élisaient à leur tête un gastaldo, appelé « le doge des Nicoloti ».
Tintoretta
Comme celui qui vécut dans la calle des remorqueurs ?
Pepe Roncino
Oui, la calle dei Remurchianti, qu’on a visitée avant-hier…. Saint Nicolas était un évêque de Myre, dans l’actuelle Turquie, aux IIIème-IVèmes siècles. Ses reliques furent volées par des marchands italiens qui les ramenèrent à Bari, dans les Pouilles, en 1087. Trois ans plus tard, en 1090, Charles Aubert dit de Varangéville, un lorrain, rapporta une de ces reliques, sa « dextre bénissante » à Port, en Lorraine. Une basilique y fut construite dans la première moitié du XVIème siècle. La commune prit le nom de Saint Nicolas de Port en 1961 ; c’est lui le fameux Saint Nicolas, fêté le 6 décembre en Lorraine, mais aussi dans le nord de la France et aux Pays Bas où il était appelé Sinterklaas, devenu Santa Claus lorsque des Hollandais émigrèrent aux Etats-Unis ; Santa Claus qui inspira le Père Noël.
Tintoretta
Ici, on célèbre un peu le père Noël alors ?
Pepe Roncino
Oui, en quelque sorte, mais moins qu’en Lorraine.
Tintoretta
Mais pourquoi San Nicolo dei Mendicoli ?
Pepe Roncino
Cette église aurait été fondée par des habitants de Padoue qui, fuyant les Lombards, se réfugièrent sur cet îlot qui était appelé Mendigolà (mendicité) du fait de la pauvreté de ses habitants qui pratiquaient la mendicité.
Tintoretta
C’est donc vers 569 que l’église fut fondée ?
Pepe Roncino
Bien ma Tintoretta ! De Mendigola, le nom de l’îlot, l’église prit donc le nom de San Nicolo dei Mendigoli. Elle serait donc une des plus anciennes églises de Venise ; mais elle fut en grande partie reconstruite et dotée d’un campanile au XIIème siècle et de nouveau restaurée au XVIIIème siècle. Tout en haut du campanile, il y a une soupente de laquelle on peut observer la lagune… On entre dans l’église…






















































On ne se lasse pas d'admirer cette église...
Tintoretta
C'est vrai ! Elle est vraiment magnifique !
Pepe Roncino
On retourne vers le campiello de l’oratorio. Regarde cette porte murée !


Et en face, l’ancien oratoire !


On prend maintenant la calle drio la chiesa, qui contourne l’église. Regarde bien en haut cette statue de la Vierge ! Ce sera le Racconcino du jour !
On rejoint la fondamenta Tron… puis le Riello, qui signifie petit canal, car il y avait un petit canal et une petite rive sur cette ruelle… On rejoint la fondamenta Lizza Fusina qui était autrefois appelée fondamenta del traghetto di Lizza Fusina. Le traghetto désigne à la fois la grande gondole qui permet de traverser le Grand Canal dans sa largeur et la station où cette gondole est prise. Ces traghetti étaient très utilisés lorsqu’il n’y avait qu’un seul pont sur le Grand Canal mais ils restent assez souvent utilisés par les vénitiens, surtout lorsqu’ils se trouvent loin d’un des quatre ponts actuels. Ces traghetti sont appelés traghetti da bagatin ou da drénto c’est-à-dire d’intérieur car ils servent aux trajets à l’intérieur de Venise. Mais autrefois, il y avait aussi des traghetti da viazzo ou da fora, de voyage ou d’extérieur, qui reliaient Venise aux villes extérieures. Les traghetti-gondoles permettant de circuler en-dehors de Venise n’existent plus ; le traghetto de Lizza (lizza signifie « tranchée ») Fusina n’existe donc plus… On traverse le campiello San Lorenzo…


Tintoretta
Il y a une belle terrasse !
Pepe Roncino
Oui ; on se retrouve sur la fondamenta dell’Arzere, qui longe le rio dell’Arzere…
Tintoretta
Une belle promenade…
Pepe Roncino
Oui, un endroit très tranquille mais on va rebrousser chemin… On traverse la corte Maggiore, Mazor en vénitien…




Et on tourne à gauche pour nous retrouver sur la fondamenta Barbarigo…




Barbarigo était une famille patricienne de Venise, qui possédait une maison sur cette fondamenta, maison détruite en 1820….
On va visiter un jardin botanique…






On retourne sur la fondamenta, qui devient la fondamenta Briati, du nom du propriétaire d’une fabrique d’objets en cristal ; cette fabrique fut localisée sur cette fondamenta de 1739 à 1790. Ici, c’est le palazzo Ariani, avec sa belle façade gothique. Sur cette fondamenta Briati, juste en face du pont éponyme, se trouve cette osteria, Da Codroma, au n° 2540, un local datant du XVIIIème siècle.


Tintoretta
On ira y manger ?
Pepe Roncino
Oui, on y va dès maintenant et on y retournera ce soir ; ça fait longtemps qu’on n’a pas fait un bon repas !
Mais avant, je vais te montrer le campiello dei Guardiani, juste à côté…




...On retourne sur la fondamenta à gauche pour voir la palazzina Briati et sa colonne avec le lion de Saint Marc…


Tintoretta
Comme devant l’église !
…………On a fait deux très bons repas aujourd’hui ! Je suis prête maintenant pour écouter le Racconcino 3 !
Pepe Roncino
Tu as vu la statue : la Vierge écrase de son pied un serpent dont le diable a pris la forme. A la base de la statue, il y a une inscription : « Tota Pulchra es Amica Mea », c’est-à-dire « tutta bella sei amica mia ». Cela fait référence à une vieille histoire qui circule dans cet îlot depuis des temps immémoriaux. Un soir, en revenant des Vêpres, Dorina, qui avait une douzaine d’années, croisa, dans la calle drio la chiesa où elle habitait, une jeune fille qui la regardait sans rien dire. Cette jeune fille était d’une beauté stupéfiante. Voyant que Dorina la regardait aussi sans rien dire, elle finit par lui adresser la parole : « Dis-moi petite Dorina, cela te plairait de devenir belle comme moi ? » Dorina fut surprise : « Comment as-tu su mon prénom, ne serais-tu pas une sorcière ? La jeune fille se mit à rire : « Ais-je l’air d’une sorcière ? Mon nom est Laura, je suis venue habiter ici il y a quelques jours et l’assiduité avec laquelle tu te rends à l’église m’a touché ; c’est pour ça que je voudrais te récompenser en te dévoilant le secret de ma beauté. Vraiment, tu n’as pas envie d’être belle comme moi ? » Dorina, qui se trouvait laide, ne sut pas résister à cette proposition : « Explique-moi comment faire ! » Laura lui répondit : « Cette nuit, dans ta chambre, enduis-toi le corps du contenu de cette ampoule, allumes plein de bougies et mets-toi au lit en laissant la fenêtre entrouverte. Trois très belles femmes entreront dans ta chambre. N’aies pas peur ; n’invoques ni Dieu ni la Vierge mais exprimes leur ton désir. Mais surtout, caches tous les miroirs de ta chambre ! » Dorina se hâta de rentrer dans sa chambre. Elle fit exactement ce que Laura lui avait dit. Mais elle oublia de couvrir le petit miroir qui était accroché à la porte de sa chambre. Les trois dames arrivèrent et demandèrent à Dorina quel était son désir. Au moment de répondre, le regard de Dorina tomba instinctivement sur le miroir. Vues à travers le miroir, les épaules délicates des trois femmes apparurent déformées et recouvertes de poils. Dorina poussa un cri et s’enfuya vers l’église. Laura lui apparut à l’endroit où elle l’avait vu quelques heures auparavant : « Calme-toi, sotte que tu es ! Que t’arrive-t-il ? » Dorina était trop effrayée pour répondre. « Tu n’aurais pas fait une bêtise ? » Dorina se sentit prise en faute et, de honte, baissa les yeux. C’est alors qu’elle vit que Laura avait des pieds de bouc. C’était une fée, mais une fée maléfique, un être démoniaque ! Se voyant découverte, Laura fit le geste de frapper Dorina. Celle-ci s’écria : « Oh, Madonna mia, sauves-moi ! » Une immense lumière inonda la calle. Lorsqu’elle s’éteignit, la fée maléfique avait disparu dans le néant. Depuis, dans la calle drio la chiesa, se trouve cette statue rendant grâce à la Vierge d’avoir sauvé la petite Dorina….
Buona notte Tintoretta !













